Avant d’être l’acteur que l’on sait, Vincent Perez a suivi le cursus photo du Centre professionnel d’enseignement de Vevey, au début des années 80. Il aura pourtant fallu attendre 2017 pour qu’il publie son premier livre de photos, Un voyage en Russie. C’est à l’occasion de l’exposition qui lui était consacrée par les Rencontres photographiques d’Arles que Vincent Perez rencontre Vera Michalski qui lui propose de consacrer un livre à la Russie. C’est Vera Michalski encore qui lui suggère la plume d’Olivier Rolin. Vincent Perez et Olivier Rolin effectuent donc, ensemble, quatre voyages en Russie. Quatre voyages pour découvrir (ou redécouvrir, les deux hommes n’en étant pas à leur première incursion dans le pays) quatre régions, aux quatre points cardinaux de la Russie, Arkhangelsk au nord, Astrakan au sud, Saint-Pétersbourg à l’ouest et Oulan-Oude à l’est. Vincent Perez braque son objectif sur les petites gens, les sans grades, même si, à l’occasion, il croise un peintre renommé. Ce qui l’intéresse, c’est la vie quotidienne dans cette Russie hivernale où l’appareil photo est planqué sous la doudoune et où gèle l’encre du stylo d’Olivier Rolin. Les photos sont superbes, les portraits saisissants. Les regards témoignent de la confiance accordée au photographe…
Il est des œuvres d’art qui provoquent en vous des émotions particulières. Ainsi de La petite danseuse de quatorze ans pour Camille Laurens qui lui consacre un remarquable essai. Le lecteur fait connaissance avec Marie Van Goethem, petit rat de l’Opéra qui a posé pour Degas. En cette fin de 19è siècle, les petits rats ne sont pas à l’Opéra par amour de la danse, mais pour effectuer un travail, payé deux francs par jour, c’est très peu, mais c’est le double d’un mineur ou d’un ouvrier du textile. Les jeunes filles (elles ont entre 12 et 16 ans) y cherchent aussi un protecteur, un de ces bourgeois venus s’encanailler au foyer de l’Opéra Garnier. Degas se mêle à eux de 1860 à 1890 environ, non pas pour le plaisir du corps, mais pour étudier les danseuses dans leur cadre. Degas expose La Petite Danseuse en 1881, lors de la sixième exposition des impressionnistes auxquels il est souvent associé. Mais il n’est pas victime de leur «cécité sociale» nous rappelle Camille Laurens. En 1881, La Petite Danseuse fait scandale. La statue est en cire, une aberration pour l’époque, et exposée sous verre. Mais Degas a surtout donné de Marie une…
Cinquième roman de Lola Lafon, Mercy, Mary, Patty est un tournant dans le parcours littéraire de l’auteure. Pas de référence à la Roumanie ou à Nadia Comaneci dans cet ouvrage. Ce seraient notamment la photo de Patricia Hearst posant, arme à la main, devant le drapeau de l’Armée de libération symbionaise (ALS), et le Hey Joe de Jimi Hendrix (même si Lola Lafon préfère la version de Patti Smith) qui ont invité l’auteure à se pencher sur l’affaire Patricia Hearst. Fille et petite-fille de magnats de la presse, elle a dix-neuf ans lorsqu’elle est enlevée par l’ALS, le 4 février 1974. Mais il faudra attendre que Lola Lafon croise le destin de trois jeunes filles de Darfield lors d’une résidence au Smith College, dans le Massachusetts, pour que le roman s’écrive. Aux 17è et 18è siècles, Mercy Short, Mary Jemison et Mary Rowlandson sont enlevées par des Indiens. A l’instar de Patricia Hearst, elles préféreront rester avec leurs kidnappeurs plutôt que de retourner dans leurs familles. La figure centrale du roman de Lola Lafon n’est pas Patty Hearst, mais bien un personnage de fiction, Gene Neveva, Américaine arrivée à la mi-trentaine, professeur de littérature et d’histoire au Smith College, elle…
«Une société qui abolit toute aventure, fait de l’abolition de cette société la seule aventure possible.» Tout le roman de Lola Lafon tient dans cette phrase. Emilienne, que tout le monde appelle Emile, est dans le coma suite à un épisode de mort subite. La narratrice, son amie, s’efforce de la ramener à la vie, se calque sur le rythme de son réchauffement corporel et de son retour à la conscience, retour marqué par les trous d’une mémoire défaillante. La narratrice continue pourtant à se rendre à la Cinémathèque, sans Emile, et aperçoit la jeune femme qu’elle avaient déjà repérée en raison de son assiduité à suivre les projections. C’est à celle qu’elle appelle La Petite Fille au bout du chemin que la narratrice va raconter l’amitié qui la lie à Emile, leur rencontre dans un groupe de parole du mardi, groupe constitué de femmes victimes de viols. A ce titre, ce roman dit mieux que tout autre la dévastation, la souffrance, la peur de celle qui a été violée, abusée. Les trois femmes de cette histoire ont connu l’enfermement, ou la tentative d’enfermement. La narratrice, que La Petite Fille au bout du chemin appelle désormais Voltairine, a connu le…
[RENTREE AUTOMNE 2017] Gilbert Sinoué se glisse dans la peau d’Averroès pour rédiger les mémoires de ce dernier grand penseur de l’islam des Lumières, voire de l’islam tout court. C’est de Marrakech, où il termine sa vie, qu’Averroès déroule son parcours. Petit-fils d’Abou al-Walid Mohammad, fils d’Abou al-Qasim Ahmad, qui lui donnera une solide éducation, Averroès étudie la jurisprudence, comme son père avant lui, puis la médecine sous la gouverne d’Abubacer puis d’Avenzoar. Mais, depuis son plus jeune âge, Averroès se passionne pour la pensée et ne cessera de se poser des questions, étudiant et commentant Aristote qui restera le compagnon de réflexion de toute sa vie. Obsédé par l’étude, Averroès refuse d’abord de prendre pour épouse celui que son père à choisie pour lui. Il découvre cependant la fièvre des corps auprès de Lobna, de dix-huit ans son aînée. La rupture avec Lobna conduira Averroès à accepter la proposition de son père. Il épouse sa jeune cousine Sarah. A travers la vie d’Averroès, Gilbert Sinoué nous fait découvrir la richesse, mais aussi les risques de la vie intellectuelle d’Al-Andalous. Averroès rédige des dizaines de livres, à commencer par sa réplique à L’Incohérence des philosophes d’Al-Ghazali, réplique qu’il intitule L’incohérence…
Ces chroniques sont d’abord d’un amoureux. Amoureux de l’Egypte en général, d’Alexandrie en particulier. C’est en 2003 que Robert Naggar reçoit d’une banque égyptienne un chèque de trente mille dollars. Une somme qui représente les loyers générés par un immeuble appartenant à sa famille, des biens familiaux séquestrés en 1958, après que la plupart des juifs aient été chassés d’Egypte. La famille de Robert Naggar possédait plusieurs immeubles au centre d’Alexandrie, des dépôts, tout un village et de vastes terrains agricoles. Robert Naggar décide de tenter de récupérer ces biens familiaux, profitant de la dé-séquestration prononcée quelques années plus tôt. Il se lance alors dans une vaste enquête qui va durer de 2007 à 2016, période durant laquelle il se rend à de nombreuses reprises en Egypte, seul ou avec des membres de sa famille. En résultent ces dix-sept Chroniques alexandrines qui ont le mérite de nous faire traverser les époques, des souvenirs des années 50 à l’époque contemporaine, de Moubarak à al-Sissi en passant par le printemps arabe. Ayant vécu à Alexandrie jsqu’à l’âge de dix-sept ans, Robert Naggar parle l’arabe presque couramment. Il nous raconte, parfois avec une certaine candeur, mais souvent avec bon sens, ses pérégrinations dans…
Vingt-quatre, ils sont vingt-quatre capitaines d’industrie a participer à cette rencontre secrète, le 20 février 1938. Goering et Hitler sont venus personnellement leur parler des élections du 5 mars et solliciter leur bienveillante générosité pour financer le parti nazi qui n’a plus un sou vaillant. Avec L’Ordre du jour, Eric Vuillard ausculte l’histoire officielle, celle qui «se déroule sous nos yeux comme un film de Joseph Goebels». Car, en effet nous dit Eric Vuillard, «ce sont des films que l’on regarde, ce sont des films d’information ou de propagande qui nous présentent cette histoire, ce sont eux qui ont fabriqué notre connaissance intime; et tout ce que nous pensons est soumis à ce fond de toile homogène.» L’auteur reprend, dans le détail, les événements qui ont conduit à l’Anschluss, le 12 mars 1938. Kurt Schuschnigg et Arthur Seyss-Inquart sont au cœur des événements. Schuschnigg organise le référendum du 11 mars sur l’indépendance autrichienne. Eric Vuillard nous explique en détail pourquoi le référendum est annulé et comment, un mois plus tard, le plébiscite demandant au peuple autrichien de ratifier le rattachement de l’Autriche au Reich, qui était par ailleurs déjà effectif, remporte 99% d’opinions favorables. Là encore, Eric Vuillard nous explique…
[RENTREE AUTOMNE 2017] Est-il possible d’échapper à la petite vie, celle de la solitude, du travail alimentaire, de l’intérieur standardisé et du couple sclérosé? C’est la bataille incessante du narrateur de Sauver les meubles, un photographe dont les ambitions artistiques n’ont rencontré que désintérêt. Il s’engage, contraint et forcé par le coût du séjour de son père malade en maison de retraite, comme photographe dans une entreprise de mobilier. Asocial, il peine à nouer des liens avec ses collègues, avec Assistant ou avec Sergueï-le-Styliste en tongs. Seule Nathalie, modèle qui pose dans les décors de meubles qu’il photographie, s’intéresse à lui. Il portera de l’intérêt à Miss KitKat, une fillette de neuf ans, elle aussi modèle pour les séances photo. L’entreprise pour laquelle travaille le narrateur aime les fêtes. C’est au cours de l’une de ces fêtes qu’il fait véritablement connaissance avec Nathalie. Il y rencontre également Christophe, dont le travail consiste à vérifier la résistance et la conformité aux normes des meubles vendus par l’entreprise. Le narrateur emménage chez Nathalie, mais presque tout de suite, le couple s’enlise dans les conventions et la routine. Comme dans sa vie privée, le narrateur ne décide rien dans son travail, ni le…
[RENTREE AUTOMNE 2017] Mélanie Chappuis ne regarde pas. Elle voit. Et parce qu’elle voit, elle sait, elle sent, elle ressent! L’épigraphe de son roman est signée Albert Cohen, comme il se doit: «Je cherche l’amour du prochain, dites, sauriez-vous où est l’amour du prochain?» Il est dans les solidarités, les complicités et les fidélités narrées par Mélanie Chappuis. Il n’est pas dans les rivalités, les dualités ou les vanités également sondées par l’auteure. Car l’homme, et donc la femme, est ainsi fait, de grandeur d’âme et de mesquinerie, d’empathie et d’égoïsme. En désincarnant les personnages de ses textes courts, en les privant le plus souvent de prénoms, Mélanie Chappuis leur donne le don d’universalité. Qui n’a jamais saisi les légers plis au coin des yeux d’une femme voilée et donc deviné son sourire? Qui n’a jamais ressenti la bienveillance de celui ou de celle qui n’est pourtant pas du cercle des intimes? Au travers des scènes qu’elle décrit, le plus souvent puisées au quotidien d’ici et d’ailleurs, l’auteure capte l’essentiel de ce qui fait, j’ose l’écrire, notre humanité. Ô vous, sœurs humaines, par Mélanie Chappuis, éditions Slatkine & Cie, 2017, 126 pages.
Insa Sané a la bonne idée de nous proposer, avec chacun de ses romans, une bande originale, des titres à écouter avant, pendant ou après votre lecture de ses excellents romans. Les cancres de Rousseau ne fait pas exception à la règle. Voici donc la bande originale proposée par Insa Sané, mais j’y ajoute les titres rencontrés au fil des pages et qui ne figurent pas dans cette liste. La bande originale proposée par Insa Sané Bébé, Tu silencio Coolio, Gansta’s Paradise Hindi Zahra, Stand Up Mahalia Jackson, Motherless Child Outcast, Hey Ya! Bény Moré, Yiri yiri bon Expression Direkt, Pas moyen Sting, Fragile A.L.A.R.M.E., Paris Black Night Terence Trent d’Arby, Sign Your Name Tout Simplement Noir, J’suis F Buena Vista Social Club, Chan Chan Above The Law, Black Superman Ministère A.M.E.R., Au-dessus des lois Les titres croisés au fil des pages Le premier titre croisé est une vanne pour Jiraël (page 47). La danse des canards. Doumam et Rania ne seront pas les victimes cette fois et Jazz lance un autre titres sur la platine (page 49), Last Night A DJ Saved My Life. Page 51, on est toujours dans le set de Jazz, mais cette fois la soirée…