Puisque tout passe, par Claire Chazal, éditions Grasset
AUTOBIOGRAPHIE , CHRONIQUES , CRITIQUE / 30 juillet 2018

Après avoir présenté durant vingt-quatre ans les journaux du week-end sur TF1, Claire Chazal est brutalement écartée de l’antenne en 2015. «Sale année 2015, qui aura vu la mort de ma mère, le départ de mon fils du nid que nous occupions tous les deux, et l’arrêt de ma carrière. Tout ça est dans l’ordre des choses, peut-être, mais je ne m’y résous pas.» Trois ans plus tard, Claire Chazal publie Puisque tout passe. Ces fragments de vie, de courts chapitres qui tissent une toile impressionniste de la journaliste et de la femme, jettent un éclairage étonnant sur le personnage public. Le lecteur découvre effectivement une femme inquiète, fragile, parfois mélancolique, souvent solitaire. Malgré la pudeur des propos, les blessures sont perceptibles, compréhensibles, les blessures amoureuses en particulier. Claire Chazal s’interroge beaucoup, sur son métier, sur sa vie, sur le temps qui passe et qui l’effraye, sur la mort (celles de son père et de sa mère, mais sur la sienne propre aussi, qui laissera son fils François orphelin). L’auteur revient aussi sur son enfance, ses amies (dont l’une est une presque sœur), ses parents issus de milieu modeste et devenus enseignants tous les deux à force de détermination. Claire…

Les raisons d’un silence

Je n’ai pas publié sur ce blog depuis plus de deux mois. Pour une bonne raison. J’ai prêté ma plume à Sepp Blatter pour un livre qui sera en librairie le 31 mai. Trois mois de travail intensif et de collaboration avec le huitième président de la FIFA. Elu une première fois en 1998, il sera réélu à quatre reprises jusqu’en mai 2015. Trois jours après cette dernière réélection, il convoque un congrès extraordinaire au cours duquel il met son mandat de président à disposition. Le 21 décembre 2015, la commission d’éthique de la FIFA suspend Sepp Blatter pour 8 ans, décision ramenée à 6 ans en appel. A 82 ans, Sepp Blatter a décidé de lever le voile sur son parcours et sur les événements qui ont conduit à son éviction. Comment le fils d’un modeste contremaître de la Lonza, importante entreprise suisse du canton du Valais, est-il devenu l’un des hommes les plus puissants du monde, reçu par le Pape, Nelson Mandella, Barack Obama et la plupart des dirigeants de la planète? Pourquoi la société suisse International Sport and Leisure (ISL) a-t-elle fait faillite en 2001, laissant plusieurs dizaines de millions d’euros de dettes ? Pourquoi, ce fameux 2…

Val de Grâce, par Colombe Schneck, éditions J’ai Lu
CRITIQUE , ROMAN / 31 décembre 2017

Toujours passionnée par son histoire familiale, Colombe Schneck raconte, dans ce court roman, l’appartement du Val de Grâce où elle a vécu les vingt-trois plus belles années de sa vie, vingt-trois ans d’un bonheur sans tache. Mais c’est aussi l’appartement où meurt Hélène, sa mère, alors que l’auteure a trente-six ans. De cet appartement, Colombe Schneck connaît chaque recoin, chaque éraflure du parquet, chaque meuble, chaque objet. Lieu de tous les bonheurs de l’enfance, Val de Grâce est aussi le symbole de la fin d’une époque, de la fin de l’insouciance, de cette enfance préservée du poids de la Shoah. L’appartement ne protège plus des blessures et des douleurs, il en est le centre avec la disparition d’Hélène. Il y a quelque chose des Enfants terribles de Jean Cocteau dans ce roman, l’esprit de la roulotte peut-être. Mais il y a aussi le voisin célèbre, la découverte de la double vie du père volage, le poids d’un passé dont les enfants ont été si longtemps préservés. Comme dans chacun des livres qu’elle consacre à son histoire familiale, Colombe Schneck y montre surtout à quel point elle a été aimée par un père capable de tout pour étonner ses enfants: «Le…

Cœurs silencieux, par Anne Brécart, éditions Zoé
CRITIQUE , ROMAN / 28 décembre 2017

Dans ses Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand écrit ceci: «Montaigne dit que les hommes  vont béant aux choses futures: j’ai la manie de béer aux choses passées. Tout est plaisir, surtout lorsque l’on tourne les yeux sur les premières années de ceux que l’on chérit; on allonge une vie aimée; on étend l’affection que l’on ressent sur des jours que l’on a ignorés et que l’on ressuscite; on embellit ce qui fut de ce qui est; on recompose de la jeunesse.» Avec Cœurs silencieux, Anne Brécart recompose indiscutablement de la jeunesse. Est-il possible de remonter aux sources de l’amour et du désir? Arrivée au milieu de la cinquantaine, Hannah quitte celui qui a partagé vingt-cinq années de sa vie. D’abord réfugiée chez une amie du même âge et de même situation, elle saisit le prétexte du règlement de la succession de sa mère pour retourner à Chandossel, son village d’enfance. Dans la maison familiale, Hannah est rattrapée par le passé, par les odeurs, par les ciels et par la nature. Rien n’a changé ou presque dans le village fribourgeois. Au premier réveil dans cette demeure du souvenir, il est là, devant la porte, pour l’aider à porter les bûches qui alimenteront le…

La fin de la solitude, par Benedict Wells, éditions Slatkine & Cie
CRITIQUE , ROMAN / 1 novembre 2017

[RENTREE AUTOMNE 2017] «Le souvenir. Un roman, composé de cinq récits. Tous sont liés et le sujet principal, c’est la façon dont les souvenirs nous déterminent et nous dirigent.» C’est Romanov qui explique à Jules ce sur quoi il travaille en ce moment. Il donne aussi une idée assez précise de La fin de la solitude, le roman de Benedict Wells, traduit par Juliette Aubert. Jules, sa sœur Liz et son frère Marty sont des enfants heureux entre un père inquiet, épris de photographie et une mère lumineuse qui chante Moon River en s’accompagnant à la guitare lors de chaque fête de Noël. Mais un 8 janvier, les parents de Jules, Liz et Marty quittent Munich pour aller rendre visite à des amis, à Montpellier. Leur voiture s’encastre dans celle d’une jeune avocate, laissant trois orphelins. C’est au pensionnat que les trois enfants poursuivent leur vie, à des étages séparés en raison des différences d’âge et de sexe: apprentissage de la solitude. Jules devient le meilleur ami d’Alva, une jolie rousse à lunettes qui, elle aussi, a subi un traumatisme: la disparition de sa sœur Joséphine, que tout le monde appelait Phine, et dont on n’a retrouvé que le blouson….

Les Lueurs, par Matthieu Mégevand, Editions L’âge d’homme
AUTOBIOGRAPHIE , CRITIQUE , RECIT / 20 mars 2016

Dix ans après les événements, Matthieu Mégevand revient dans ce récit sur la maladie qui l’a frappé alors qu’il n’avait que vint-et-un ans. La maladie? Un lymphome de Hodgkin, soit un cancer du système lymphatique. Le récit commence par les vacances de jeunes adultes dans le sud de la France. Premières manifestations de la maladie qui n’est pas encore perçue comme telle. Retour à Genève. Premiers examens, diagnostic. «Ce que me dit ce radiologue et qui ne laisse plus aucun doute: « Un écartement au niveau du cœur ». Cette phrase-là, elle résonne dans ma tête. Elle change toute ma vie.» Pour l’auteur, il s’agit d’explorer ce que la mémoire a retenu de ces événements qui ont changé toute sa vie. Qu’a retenu la mémoire, qu’a-t-elle oublié? Dès les premières pages, cet aveu : «Je dois le dire. Ce premier souvenir que je raconte: le mettre ainsi par écrit, le mettre en mot déjà me coûte. Cela m’inquiète, cela dénature tout.» L’auteur s’acharne pourtant, fouille dans les souvenirs et dans un carnet noir où sont consignés les poèmes, les pensées, le journal de l’époque. Mais Matthieu Mégevand va plus loin et fait de ce récit un véritable objet littéraire. A chaque étape…