La femme révélée, par Gaëlle Nohant, éditions Grasset

9 janvier 2020

C’est un vrai plaisir de retrouver la plume de Gaëlle Nohant. Qui plus est pour un roman d’excellente facture. Avec La femme révélée, l’auteure nous emmène dans les pas d’Eliza Donnelley, alias Violet Lee, du Paris des années 50 au Chicago de la sanglante année 1968 (répercussions des assassinats de Martin Luther King et de Robert Kennedy).

Le roman se situe à une période où les mentalités changent et les utopies naissent : émancipation des femmes, lutte pour les droits des Noirs, éclosion du flower power. Gaëlle Nohant excelle à nous raconter des histoires profondément humaines sur une trame historique. Et comme toujours, son roman est extrêmement bien documenté.

Mais Gaëlle Nohant ne se contente pas d’explorer les soubresauts de l’histoire, qu’elle éclaire d’ailleurs de la lucidité de certains de ses personnages (le très attachant Henry Williams notamment, figure marquante de la communauté noire), elle explore aussi les méandres de l’âme humaine : le cynisme et la violence d’Adam Donnelley, mari d’Eliza et promoteur immobilier, la conscience politique de Tim, jeune activiste engagé contre la guerre du Vietnam et qui n’est pas sans liens avec Violet, la culpabilité d’Eliza/Violet, femme résolue mais dévastée d’avoir abandonné les siens à Chicago, la duplicité de Sam, l’amant de Violet, homme sans scrupule rattrapé par l’amour, le romantisme de Rosa, la prostituée qui couve le secret d’une grande passion.

Ce qui fait tenir Violet, c’est la photographie. Elle a acheté un Rolleiflex peu avant de fuir Chicago et d’abandonner les siens. Un boîtier qui agit comme un talisman et qui lui servira de bouclier dans sa nouvelle vie.

La femme révélée nous donne également à parcourir le Paris des années 50, celui des caves à jazz dans lesquelles joue régulièrement Horatio Price, un pseudonyme qui dit aussi le prix à payer lorsqu’on choisit l’exil. Car l’exil est bien le sujet central de ce beau roman, exil géographique bien sûr, mais surtout exil intérieur, que ce soit pour Violet, pour Tim, pour Horatio ou pour Rosa.

Mais la plus grande force de Gaëlle Nohant réside dans sa capacité à nous faire ressentir l’art. Dans Légende d’un dormeur éveillé, elle nous faisait saisir toute la puissance de l’écriture de Robert Desnos. Mais il y avait les mots du poète sur lesquels elle pouvait se reposer. Ici, qu’il s’agisse de photographie ou de musique (de jazz en particulier), l’auteure n’a que ses mots à elle pour nous faire sentir les émotions que peut provoquer une œuvre d’art. Et en lisant son roman, on voit littéralement les photos dont elle parle, on entend Horatio jouer et improviser sur son clavier, on vit les émotions que provoquent ces photos et ce piano. Du grand art.

La femme révélée, par Gaëlle Nohant, éditions Grasset 2020, 382 pages

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