Fracking, par François Roux, éditions Albin Michel
CRITIQUE , ROMAN / 22 août 2018

[RENTREE AUTOMNE 2018] L’Amérique s’apprête à élire son nouveau président. Au Dakota, Joe Jenson travaille dans l’industrie pétrolière. Un secteur en plein développement grâce à «l’échappatoire Halliburton» orchestré par Dick Cheney, ancien vice-président de l’administration Bush, rendant possible l’extraction de pétrole par fracturation hydraulique, le fracking. Karen et Peter Wilson ont ainsi vu leur propriété agricole envahie par les puits de forage, leurs parents ayant cédé les droits d’exploitation du sous-sol à leurs voisins, les Caubet, au milieu des années cinquante et pour une bouchée de pain. Les Wislon commencent à perdre des bêtes, écrasées par les énormes camions de chantier à dix-huit roues pour la plupart, contaminés par l’eau souillée pour les autres. Le fracking fait exploser les entrailles de la terre, à mille mètres de profondeur, et injecte quantité de produits nocifs, mêlés à l’eau et au sable sous pression, selon une recette aussi secrète que celle «du Coca-Cola et de la sauce Big Mac». La terre tremble à la fin de l’excellent roman de François Roux, et des fissures apparaissent à la surface du sol. Des fissures qui vont aussi se produire dans les vies, jusqu’ici bien tranquilles, des protagonistes. Dans celle de Joe Jenson d’abord, dont…

La terre tremblante, par Marie-Jeanne Urech, Hélice Hélas éditeur
CRITIQUE , ROMAN / 7 août 2018

La terre tremblante est un conte, une fable. Bartholomé de Ménibus quitte son petit village après l’enterrement de son père. Il veut savoir ce qu’il y a derrière la montagne. Il commence l’escalade encore vêtu de son costume de dimanchedeuil. Bartholomé découvre que derrière la montagne, il y a une autre montagne, puis une autre encore. Il parviendra pourtant à la mer. Derrière chaque verticalité, un monde nouveau: celui des vaches-hublot, celui des cimetières de déchets nucléaires, celui des champs de cheveux, celui de l’élevage de porcs à la verticale, d’autres encore. Au cours de son périple, Bartholomé exercera toutes sortes de métiers dont celui de nettoyeurs de déchets de satellites dans l’espace. Au village, on l’appelle l’ange boiteux en raison de sa claudication. Bartholomé n’a jamais répondu à son amour. Mais elle part pourtant sur ses traces, avec sa luge et ses livres. Dans une double narration savamment construite, Marie-Jeanne Urech nous raconte une histoire d’amour tout en pointant du doigt les travers d’un monde globalisé. Derrière chaque montagne, une société tente de survivre. L’occasion pour l’auteure de porter un regard critique et écologique sur la modeste condition humaine. Le voyage de Bartholomé s’achève sur un continent de déchets,…

Une toile large comme le monde, par Aude Seigne, éditions Zoé
CRITIQUE , ROMAN / 25 décembre 2017

Ils sont rares les romans qui se penchent sur Internet. Plus rares encore ceux qui imaginent sa disparition. Et lorsque c’est le cas, dans le Où la lumière s’effondre, de Guillaume Sire par exemple, il s’agit de constituer une armée de hackers pour parvenir à ses fins. Rien de tel chez Aude Seigne. Les hackers, en l’occurrence une hackeuse, ne sont que l’un des éléments du plan de la panne. Huit. Ils sont huit à vouloir débrancher Internet, au sens propre. Car si le réseau des réseaux est le royaume du virtuel, il a besoin pour fonctionner d’infrastructures bien réelles : data centers, matières premières, câbles. Le roman s’ouvre d’ailleurs avec l’un des personnages principaux de cette histoire, un câble transocéanique qui porte le joli nom de FLIN. Véritable gourmandise pour les requins, autres personnages récurrents du roman d’Aude Seigne, FLIN représente symboliquement les milliers de câbles qui passent sous nos pieds et qui transportent des millions de mails à travers le monde en un cinquième de seconde. Il y a donc Olivier, libraire qui voit sa clientèle diminuer, June, créatrice de produits cosmétiques et Evan community manager. Ces trois-là vivent en trouple. Pendant à ce trio, il y a la…

L’humanité, apothéose ou apocalypse?, par Jean-Louis Servan-Schreiber, éditions Fayard
CRITIQUE , ESSAI / 4 septembre 2017

[RENTREE AUTOMNE 2017] «J’ai conçu ce livre, d’un journaliste et non d’un savant, comme un survol de ce qui se présente à l’humanité dans un moment de l’histoire où semblent culminer pour notre espèce les risques comme les opportunités.» Jean-Louis Servan-Schreiber est effectivement factuel, comme l’était encore le journalisme il y a quelques années. Il ne cède pas aux sirènes du journalisme actuel, victime du court-termisme que l’auteur dénonçait déjà en 2010 dans Trop vite! Afin de déterminer si l’humanité va (trop vite!) vers l’apothéose ou vers l’apocalypse, l’auteur passe en revue plus d’une vingtaine de thématiques, de la démographie au posthumanisme, en passant par les inégalités, la faim dans le monde, les robots, la fin du travail, le déficit de sens ou la finance. Jean-Louis Servan-Schreiber nous rappelle sans cesse qu’il y a deux manières de voir le verre: à moitié vide ou à moitié plein. Lui a tendance à le voir plutôt plein: «Bien que très loin d’une société idéale, nous sommes pourtant en train de vivre ce que l’humanité traverse de mieux depuis ses origines.» Mais point d’optimisme béat dans ces pages. Avec Djénane Kareh Tager, journaliste et amie, Jean-Louis Servan-Schreiber a mené une vingtaine d’entretiens avec…

Hommage à Gonzague Saint Bris
ACTUALITE , ENTRETIENS / 8 août 2017

Gonzague Saint Bris a perdu la vie la nuit dernière dans un accident de voiture en Normandie, a annoncé à l’AFP l’assistante du romancier, confirmant une information du Point. Ce journaliste et critique littéraire, pour Le Figaro et Paris Match, avait publié le roman Les Vieillards de Brighton distingué par le prix Interallié. J’ai rencontré Gonzague Saint-Bris à trois reprises. La première fois, c’était en 2010, pour la publication de son livre consacré à Michael Jackson (lire ci-dessous). La deuxième fois, c’était en 2011. J’ai eu le plaisir d’animer une rencontre à la société de lecture de Genève où Gonzague Saint Bris était venu parler de sa biographie d’Alfred de Musset publiée par Grasset. La troisième et dernière fois, c’était toujours en 2011, Gonzague Saint Bris avait très gentiment accepté de participer au cercle de lecture que j’anime depuis douze ans maintenant à la Société de lecture de Genève. Avec les participants au cercle, il était venu s’entretenir de son Roman de Venise publié aux édition du Rocher. Nous avions terminé la soirée en tête-à-tête Aux Armures, autour d’une fondue. En modeste hommage au généreux Gonzague Saint Bris, je publie l’entretien mené en 2010 lors de la sortie d’Au paradis avec Michael…