L’écrivain national, par Serge Joncour, éditions Flammarion
CRITIQUE , ROMAN / 29 mai 2017

«L’écrivain national». La formule revient à répétition dans la bouche du maire de Donzière où Serge, auteur, arrive pour une résidence d’écriture. A dix kilomètres seulement de cette petite ville qui ressemble plutôt à un gros village, un fait divers occupe les journaux locaux et nationaux. Aurelik et Dora, deux marginaux qui vivent à L’Epeau, sont soupçonnés d’avoir fait disparaître Commodore, dont ils sont les locataires. En voyant la photo de Dora dans le journal, l’écrivain est subjugué, irrésistiblement attiré. Aimanté par les lieux du drame, Serge s’embarque dans une quête un peu folle et qui lui vaudra bien des problèmes avec les libraires qui l’ont gentiment invité, avec le maire qui fonde tous ses espoirs sur une nouvelle usine, avec les acolytes d’Aurelik, et même avec la patronne de l’hôtel dans lequel il loge, la pourtant prévenante Madame Meunier. Les pages consacrées aux rencontres littéraires de l’auteur sont hilarantes. Serge Joncour lève le voile sur la face cachée et souvent sombre du métier d’écrivain et des vicissitudes de la promotion. Construit comme un polar, ce roman est celui de la passion et du désir. Serge Joncour excelle à décrire le mécanisme implacable du désir masculin dont la source n’est…

Repose-toi sur moi, par Serge Joncour, Editions Flammarion, Prix Interallié 2016
CRITIQUE , PRIX LITTERAIRES , ROMAN / 27 mai 2017

Aurore est l’archétype de la femme qui a réussi. Un mari américain, business angel en pleine ascension, deux enfants (jumeaux fille et garçon) et un talent de styliste reconnu. Elle fonctionne dans une sorte de routine et ne plus faire l’amour avec Richard depuis trois ans ne semble pas être un problème. Les problèmes se situent plutôt du côté de sa marque (son propre nom) et de Fabien, son perfide associé. Ludovic, le voisin d’Aurore est veuf. Mathilde est morte d’un cancer, trois ans auparavant. Du coup, il a quitté la ferme familiale pour laisser la place à sa sœur et à son beau-frère et s’est reconverti dans le recouvrement de dettes. Dans la cour de l’immeuble, une paire de corbeaux effraie terriblement Aurore. Ludovic va lui permettre de retrouver sa sérénité. Entre eux naît une passion d’abord physique, tactile, qui se transformera en amour. Ce sont deux solitudes qui se rencontrent. Aurore ne se confie à personne, pas même à Richard. Elle assume tout, toute seule. Ludovic non plus ne se confie à personne. Sa vie est entre parenthèses, même s’il la passe à rendre service à tout le monde. C’est donc tout naturellement qu’il va rendre service à…

Les yeux fardés, par Lluis Llach, Babel éditions
ACTUALITE , CRITIQUE , ROMAN / 21 mai 2017

A l’occasion de la sortie du beau roman de Luis Llach en poche, je republie la brève critique rédigée lors de la sortie du roman chez Actes Sud.. Les yeux fardés est un roman d’amour. Un amour comme il y en a peu. Cet amour, c’est celui qui unit Germinal et David, deux garçons nés en 1920 dans le quartier populaire de Barcelone qu’est la Barceloneta. Il y a deux filles aussi, nées la même année: Mireia, que son père, contrebandier, emmènera dans son exil à Buenos Aires, et Joanna, qui ne survivra pas au bombardement de Barcelone par l’aviation italienne. Roman d’amour sur fond d’histoire, amour entre deux garçons à une époque où les sentiments pour un être de même sexe étaient intolérables et intolérés. Si le roman commence lentement, il se termine sur un rythme élevé. Le procédé narratif y est pour quelque chose: Germinal, 87 ans, raconte à Lluis, réalisateur en mal de sujet, les années qui ont changé sa vie à tout jamais.  L’espérance, avec la proclamation de la République, les désillusions avec la guerre civile et le fascisme qui s’installe, l’errance, vingt ans durant pour fuir le souvenir de «l’Ami aimé». On trouve au fil…