[RENTRÉE AUTOMNE 2018] C’est Lise qui a insisté pour qu’avec Franck, ils louent cette maison perdue au milieu de nulle part, sans téléphone et sans connexion à des kilomètres à la ronde.Elle a été actrice, il est producteur de cinéma. Elle ne tourne plus, elle préfère peindre, ou méditer. Il produit à l’ancienne des films qui ne marchent plus. Dès le premier soir dans la maison, un chien, un grand chien, un très grand chien, sans collier, s’impose à Franck, cherche à établir le contact avec lui. La maison n’a probablement jamais été louée auparavant. Dans une narration magistralement orchestrée, Serge Joncour nous dévoile parcimonieusement ce qui s’y est passé un siècle plus tôt exactement, en pleine Première Guerre mondiale. C’est alors un dompteur allemand, ironie du sort, qui s’installe sur les hauteurs avec ses huit fauves, tigres et lions. Wolfgang vit seul et nourrit ses bêtes, maégré les pénuries, grâce à un ingénieux dispositif caché dans la forêt. C’est en découvrant ce dispositif, un siècle plus tard, que l’instinct de survie de Franck se réveille, aiguillé par sa proximité avec le grand chien. Non, Franck ne laissera pas sa société de production être dépecée par ses deux jeunes et…
Vingt-quatre, ils sont vingt-quatre capitaines d’industrie a participer à cette rencontre secrète, le 20 février 1938. Goering et Hitler sont venus personnellement leur parler des élections du 5 mars et solliciter leur bienveillante générosité pour financer le parti nazi qui n’a plus un sou vaillant. Avec L’Ordre du jour, Eric Vuillard ausculte l’histoire officielle, celle qui «se déroule sous nos yeux comme un film de Joseph Goebels». Car, en effet nous dit Eric Vuillard, «ce sont des films que l’on regarde, ce sont des films d’information ou de propagande qui nous présentent cette histoire, ce sont eux qui ont fabriqué notre connaissance intime; et tout ce que nous pensons est soumis à ce fond de toile homogène.» L’auteur reprend, dans le détail, les événements qui ont conduit à l’Anschluss, le 12 mars 1938. Kurt Schuschnigg et Arthur Seyss-Inquart sont au cœur des événements. Schuschnigg organise le référendum du 11 mars sur l’indépendance autrichienne. Eric Vuillard nous explique en détail pourquoi le référendum est annulé et comment, un mois plus tard, le plébiscite demandant au peuple autrichien de ratifier le rattachement de l’Autriche au Reich, qui était par ailleurs déjà effectif, remporte 99% d’opinions favorables. Là encore, Eric Vuillard nous explique…
Une petite fille qui ne joue plus à la balle, qui ne court plus, qui vous regarde un jour comme un étranger et qui finit par perdre la parole. La faute à la pieuvre qui s’est emparée de Margherita. Dès lors, privé de sa sœur, Pietro Cerretani apprend à jouer seul, à ne plus attendre le baiser du soir de son père. Un père qui n’affrontera jamais la pieuvre, ne l’assumera pas. Une mère qui se bat pour garder, puis pour ramener Margherita à la maison. Le couple des parents n’y résistera pas. Margherita est le secret de Pietro. On ne parle pas de ces choses-là! Pour tout le monde, Pietro est fils unique: «J‘ai 25 ans, je suis fils unique et qu’on ne vienne pas m’emmerder avec des questions indiscrètes sur ma famille.» Pourtant, lorsque Pietro noue des liaisons amoureuses, vient forcément le temps de parler de la famille, de la présenter. Que d’échecs provoqués par l’incompréhension de cette non rencontre, pour celles qui ne se sentent pas dignes d’être présentées… Pietro va marcher sur les traces de son père dont il condamne pourtant la lâcheté. Il quitte sa Toscane natale pour Genève: «Un matin, je suis descendu acheter…
«Les histoires, on s’en moque, il y en a plein les journaux» disait Céline. Et donc, on se moque bien de l’histoire de ce roman, couronné par le prix Goncourt en 2005. De quoi s’agit-il en réalité? D’une incroyable mise en abîme, de matriochkas. François Weyergans raconte l’histoire d’un écrivain, François Weyergraf, qui ne parvient pas à terminer un roman intitulé Trois jours chez ma mère, et dont il nous livre les trois premiers chapitres. Chapitres qui racontent l’histoire d’un écrivain, François Graffenberg, qui ne parvient pas à terminer son roman, qui a pour titre… «Je me disais qu’on écrit que pour sa mère, que l’écriture et la mère ont partie liée» écrit Weyergans. Et nous voilà au nœud du problème. Comment se confronter à l’écriture, comment vivre avec elle au quotidien? Les François écrivent, dans le train ou ailleurs, dans leur tête souvent, en de permanentes digressions qui nous mènent du Québec à Manosque en passant par la Suisse ou le Japon. François Weyergans n’étale pas son érudition, qui est pourtant grande. Il la distille, ou plutôt, il l’instille. Paysages, cinéma, littérature, religion, antiquités, tout est bon, matière à malaxer pour le but ultime: écrire, encore et toujours. Philippe…
Aurore est l’archétype de la femme qui a réussi. Un mari américain, business angel en pleine ascension, deux enfants (jumeaux fille et garçon) et un talent de styliste reconnu. Elle fonctionne dans une sorte de routine et ne plus faire l’amour avec Richard depuis trois ans ne semble pas être un problème. Les problèmes se situent plutôt du côté de sa marque (son propre nom) et de Fabien, son perfide associé. Ludovic, le voisin d’Aurore est veuf. Mathilde est morte d’un cancer, trois ans auparavant. Du coup, il a quitté la ferme familiale pour laisser la place à sa sœur et à son beau-frère et s’est reconverti dans le recouvrement de dettes. Dans la cour de l’immeuble, une paire de corbeaux effraie terriblement Aurore. Ludovic va lui permettre de retrouver sa sérénité. Entre eux naît une passion d’abord physique, tactile, qui se transformera en amour. Ce sont deux solitudes qui se rencontrent. Aurore ne se confie à personne, pas même à Richard. Elle assume tout, toute seule. Ludovic non plus ne se confie à personne. Sa vie est entre parenthèses, même s’il la passe à rendre service à tout le monde. C’est donc tout naturellement qu’il va rendre service à…
Le phénomène est fréquent. L’envie de lire un livre, de retrouver un auteur, lorsqu’elle est, ne serait-ce que légèrement, disproportionnée, provoque une forme de déception à l’arrivée. C’est le cas avec Le Garçon de Marcus Malte, un roman qui ne manque pourtant pas de qualités. Vaste fresque qui enjambe le pont qui relie le 19è au 20è siècle, Le Garçon est une somme à plus d’un titre. Une somme romanesque avec ses plus de cinq cent pages et une somme de romans en quelque sorte. Chacune des parties du volume aurait pu donner lieu à un tome d’une grande saga : roman naturaliste, roman érotique, roman historique, roman d’aventure, roman d’amour. Le Garçon n’a pas de nom, même s’il deviendra Félix Mazeppa. Première liberté perdue ! Il ne parle pas, ce qui est à la fois une liberté et un enfermement. Tout au long du roman, le Garçon ne cessera de quitter un enfermement pour un autre. On le découvre à la mort de sa mère, un déchirement, mais une libération aussi. Le voilà errant, puis très vite enfermé dans un premier travail, valet de ferme, logé, nourri, mais pas payé. Un nouveau rebondissement le projette dans la roulotte de Brabek, l’Ogre…
La RTS a dévoilé hier les six ouvrages de la sélection finale du Prix du public 2017. Après lecture d’une soixantaine d’ouvrages, le jury dirigé par Patrick Ferla a donc désigné L’Ajar, pour Vivre près des tilleuls (Flammarion), Silvia Härri pour Je suis mort un soir d’été (Bernard Campiche), Jean-François Haas pour L’homme qui voulut acheter une ville (Seuil), Ralph Lutli pour Le dernier voyage de Soutine (Le bruit du temps), Pascale Kramer pour Autopsie d’un père (Flammarion) et Elisa Shua Dussapin pour Hiver à Sokcho (Zoé)
Oui, il existe un Championnat du Monde de Sauna. Du moins a-t-il existé jusqu’en 2010. Joseph Incardona s’empare du sujet pour Chaleur, un roman qui n’a de léger que l’apparence. Niko Tanner, star du porno vieillissante, est le vainqueur des trois dernières éditions du Championnat. Igor Azarov, ancien militaire russe, est son éternel challenger. Le roman emmène le lecteur dans un sauna chauffé à blanc, 110 degrés, des qualifications auxquelles prennent part 102 concurrents, à la finale, qui se joue à cinq, dont Igor et Niko naturellement. Niko et Igor sont tous les deux à la fin d’un cycle et pressentent que ce Championnat du Monde sera le dernier. Niko enfreint le règlement en buvant de la vodka et en sniffant de la coke. Autant d’obstacles à sa préparation qu’il sacrifie à la douceur des bras et des cuisses de la jeune et belle Loviisa. Igor, lui aussi, bafoue le règlement, mais pour d’autres raisons et au moment où sa fille Alexandra, qu’il na pas vue depuis quinze ans, débarque à Heinola pour suivre la compétition. Chaleur est le roman de toutes les solitudes. Solitudes qui se côtoient, qui s’affrontent. Celle de Niko contre celle d’Igor. Celle de Loviina à…