Sous les branches de l’udala, par Chinelo Okparanta, éditions Belfond
CRITIQUE , ROMAN / 23 août 2018

[RENTREE AUTOMNE 2018] Sous les branches de l’udala est le premier roman de Chinelo Okparanta. Et déjà, l’auteure nigériane fait montre d’une absolue maîtrise. Son roman est une réaction à la loi signée le 7 janvier 2014 par le président du Nigeria, Goodluck Jonathan, loi qui criminalise les relations entre personnes de même sexe, les exposant à des peines de prison pouvant aller jusqu’à quatorze ans. La sanction est pire encore dans les états du nord: lapidation pure et simple. Chinelo Okparanta nous raconte donc l’histoire d’Ijeoma. Histoire qui commence en 1968, en pleine guerre du Biafra. Le père d’Ijeoma renonce à gagner le bunker sensé le protéger des bombardements. Il y laisse la vie. Son épouse doit alors survivre et, pour y parvenir, elle place sa fille chez le professeur Ejiofor. C’est là qu’Ijeoma rencontre Amina, une enfant de son âge, sauvage et solitaire, que le professeur accepte d’héberger également, malgré son appartenance à une autre ethnie. Entre les deux jeunes filles naît une complicité qui se transforme vite en amour. Mais un jour, Ijeoma et Amina sont surprises en plein ébat amoureux. Dans le deuxième pays le plus religieux du monde, la reprise en main maternelle se fera…

De purs hommes, par Mohamed Mbougar Sarr, éditions Philippe Rey et éditions Jimsaan
CRITIQUE , ROMAN / 12 juin 2018

Ndéné Gueye est professeur de lettres à Dakar. L’enthousiasme de ses premières années d’enseignement a laissé place à la résignation. Les étudiants subissent sans intérêt les cours qu’il donne sans plus de passion. «Je me suis souvent interrogé si l’enseignement actuel des lettres étrangères, françaises en particulier, dans nos universités était une bonne idée.» Le belle Rama et sa mystérieuse mais intouchable chevelure sont pour Ndéné un réconfort comme un refuge de plaisir. C’est Rama qui lui montre une vidéo devenue virale à Dakar. Elle montre l’exhumation du cadavre d’un homme jeté hors du cimetière musulman par une foule en furie. La réaction primaire et première de Ndéné est celle de la très grande majorité des musulmans pratiquants de sa communauté: il ne s’agit finalement que d’un góor-jigéen, un homme-femme, c’est-à-dire un homosexuel. Ndéné donne un cours sur la poésie de Verlaine, sans savoir que l’Académie a tout récemment déconseillé avec vigueur de donner en exemple des écrivains aux mœurs contraires à la morale. Les étudiants se rebiffent et accusent Ndéné de faire de la propagande gay. «Il [Verlaine] fait partie de la grande propagande européenne pour introduire l’homosexualité chez nous» argumentent-ils. Ndéné vit de plus en plus mal l’homophobie…

Vita Nova, par Pascal Dethurens, Infolio éditions
CRITIQUE , RECIT / 11 octobre 2017

«J’espère dire d’elle ce qui jamais ne fut dit d’aucune femme.» L’épigraphe de ce récit, empruntée à Dante est une promesse. Promesse tenue de bout en bout par Pascal Dethurens dans ce récit puissant, tant par la forme que sur le fond. Le rire de Chiara, ce rire que Giovanni perçoit et localise tout en haut d’une tour de la place du Campo, à Sienne. Le rire, puis le regard de Chiara redescendue de son perchoir. «Elle était la promesse qui ne pouvait pas être tenue», parce que fille de famille, parce que trop vite partie de Sienne, parce que trop tôt partie pour l’éternité. Giovanni cherchera Chiara partout, d’abord à toute allure au guidon de sa moto, puis dans les cieux de l’Italie et de l’Afrique aux commandes d’un avion. Giovanni est pilote dans l’armée de Mussolini. Chiara est partout dans le ciel, la lumière, les parfums et les rues. «Du jour où il avait croisé son regard une nouvelle vie s’était imposée à lui, impérieuse, misérable, écrasante.» C’est pourtant cette nouvelle vie qui lui ouvre les portes de la joie, même si «après tout ce temps, de cela au moins il était certain, elle était devenue une ombre,…

L’absente de Noël, par Karine Silla, éditions de L’Observatoire
CRITIQUE , ROMAN / 23 août 2017

[RENTREE AUTOMNE 2017] Noël, ses rituels et ses obligations familiales. Sophie, vingt ans, doit rentrer de Dakar où elle est partie dans un orphelinat, comme bénévole, avec son amie Pamela. Mais seule Pamela a pris place dans l’avion du retour à Paris. Qu’est-il arrivé à Sophie? Pour le savoir, sa famille au grand complet part à sa recherche. Et ça fait du monde. Virginie d’abord, la mère de Sophie. Elle a conçu ce premier enfant avec Antoine, homme marié à Fanny, une bourgeoise qui n’a jamais accepté cette fille adultérine, sujet tabou dans sa famille. Gabriel, mari de Virginie, et donc beau-père de Sophie, est celui qui veut réconcilier tout le monde, qui a remplacé Antoine, père trop souvent absent,  auprès de Sophie. Chloé, fille de Virginie et Gabriel les suit à contrecœur au Sénégal, persuadée que sa sœur a simplement fugué. René, le père de Virginie, n’a pas voulu rester à Paris. Il est, comme souvent, «un grand-père a l’opposé du père qu’il a été». C’est à lui que les enfants font confiance, à lui qu’ils se confient. C’est aussi le cas de Paul, le fils d’Antoine et Fanny, à qui René plait tout de suite.Paul qui se découvre…

Hommage à Gonzague Saint Bris
ACTUALITE , ENTRETIENS / 8 août 2017

Gonzague Saint Bris a perdu la vie la nuit dernière dans un accident de voiture en Normandie, a annoncé à l’AFP l’assistante du romancier, confirmant une information du Point. Ce journaliste et critique littéraire, pour Le Figaro et Paris Match, avait publié le roman Les Vieillards de Brighton distingué par le prix Interallié. J’ai rencontré Gonzague Saint-Bris à trois reprises. La première fois, c’était en 2010, pour la publication de son livre consacré à Michael Jackson (lire ci-dessous). La deuxième fois, c’était en 2011. J’ai eu le plaisir d’animer une rencontre à la société de lecture de Genève où Gonzague Saint Bris était venu parler de sa biographie d’Alfred de Musset publiée par Grasset. La troisième et dernière fois, c’était toujours en 2011, Gonzague Saint Bris avait très gentiment accepté de participer au cercle de lecture que j’anime depuis douze ans maintenant à la Société de lecture de Genève. Avec les participants au cercle, il était venu s’entretenir de son Roman de Venise publié aux édition du Rocher. Nous avions terminé la soirée en tête-à-tête Aux Armures, autour d’une fondue. En modeste hommage au généreux Gonzague Saint Bris, je publie l’entretien mené en 2010 lors de la sortie d’Au paradis avec Michael…