Pour Le mage noir, Olivia Gerig renoue avec son personnage d’inspectrice. On avait laissé Aurore en piteux état à la fin de L’ogre du Salève, on la retrouve rétablie physiquement même si les séquelles psychologiques ne se sont pas résorbées. C’est à un réseau, une quasi secte apocalyptique, qu’est cette fois confrontée la sympathique inspectrice de la police judiciaire d’Annecy. Un réseau international qui a infiltré les milieux de la police, de la justice et de la politique. Difficile dans ces cas-là de savoir à qui faire confiance. Affaires classées, enquêtes bâclées, à Annecy, à Paris et à Genève, la secte semble intouchable. Mise à pied, Aurore va mener une enquête parallèle. Elle appelle à la rescousse son ancien patron, le commissaire Claude Rouiller, et sa compagne Justine, psychiatre et profileuse. Matteo, un collègue de la police suisse qui en pince pour Aurore, vient compléter l’équipe. L’enquête débouchera sur de nombreuses arrestations sur lesquelles l’auteure ne s’attarde pas. Mais le Mage, lui, n’a toujours pas été appréhendé. Voilà qui nous promet une suite à cette aventure haletante, suite d’ores et déjà annoncée sous le titre Ravines de sang. Olivia Gerig construit ses histoires avec habileté et ménage le suspens avec…
Avec Affaires privées, Marie Laberge renoue avec les deux attachants personnages de Sans rien ni personne (2007) et Mauvaise foi (2013). Vicky Barbeau travaille à l’escouade des crimes non résolus de la Sûreté du Québec, sous les ordres de Rémy Brisson. Son collègue français Patrice Durand travaille Quai des Orfèvres, à Paris. Ils vont être plongés tous les deux dans une enquête qui n’en est pas une, ponctuée de potentiels conflits d’intérêt. Isabelle Gosselin, ancien amour de Rémy Brisson, lui demande d’enquêter sur la mort de sa fille, Ariel, même si le rapport du légiste ne laisse aucun doute, la jeune fille de quinze ans s’est suicidée. Vicky quitte Montréal pour Québec et se rend dans la prestigieuse école privée dirigée par Jacynthe Pouliot. Très vite, Vicky découvre qu’un autre suicide a eu lieu dans le même établissement scolaire, trente-deux mois plus tôt. Andreane Sirois, douze ans, s’est jetée du toit de l’école. Après avoir interrogé quelques élèves et les professeurs, Vicky découvre l’incompétence de Nathalie Dubuc, une ergothérapeute qui officie comme psychologue scolaire. Elle s’aperçoit également que la cause des suicides des deux adolescentes est à cherche du côté du groupe théâtral. Un atelier dirigé successivement par Ginette Soucy,…
[RENTREE AUTOMNE 2017] Vous avec aimé Le Dragon du Muveran? Vous allez adorer Qui a tué Heidi? Avec cette deuxième aventure de l’inspecteur Andreas Auer, Marc Voltenauer franchit un cap. Son intrigue est toujours aussi habilement menée, savamment construite, mais ses personnages gagnent en épaisseur. Andreas en particulier, dont le lecteur cerne mieux la personnalité, l’auteur levant un coin de voile sur sa part d’ombre. L’homosexualité d’Andreas Auer est également moins anecdotique que dans le premier roman, les réflexions d’un tueur à gages russe, Litso Ice (visage de glace) interpellant le lecteur sur sa propre perception du monde gay. Autre élément nouveau et subtilement amenée, la dimension ethnographique du roman. Gryon reste le lieu central de l’intrigue et c’est l’occasion pour Marc Voltenauer de familiariser le lecteur avec le folklore et les traditions suisses: concours de vaches, channe et jass font partie intégrante du tableau. Mais le roman ne se contente pas de rester à Gryon. Les affaires sérieuses commencent même à Berlin où un quadruple meurtre ouvre la voie à un projet immobilier d’envergure, à Gryon. Si l’on est confronté, comme dans Le Dragon du Muveran, à une affaire dictée par des ressorts psychologiques, s’y ajoute cette fois une…
Cette histoire haletante ne laisse aucun répit au lecteur. Saint-John est un homme d’affaires très puissant mais qui garde un certain nombre de principes. Il refuse par exemple la prise de pouvoir de la machine sur l’homme. Ce qui lui coûte la vie. Mark, son fils, initié aux affaires de longue date, reprend le flambeau paternel et part à la recherche des assassins de son géniteur. Son enquête lui permet de découvrir que Saint-John était l’un des neuf membres d’une mystérieuse confrérie appelée Sphinx. Les Neuf Supérieurs inconnus vont disparaître les uns après les autres, à l’exception du dernier, qui dirige la confrérie. Et le lecteur ne manquera pas d’être surpris lorsqu’il découvrira son identité. Bruce, journaliste écossais pour le moins brut de décoffrage, et meilleur ami de Mark, mène cette enquête qui mêle finance, technologies, services secrets, archéologie, alchimie, sexe et bonne cuisine. Un véritable thriller, parfois déroutant. Sphinx, par Christian Jacq, éditions XO, 2016, 387 pages
Vingt-deuxième enquête de l’inspecteur Higgins sous la plume de Christian Jacq, mais la première que je lis. Le parti pris est clair, il s’agit d’un polar à l’ancienne, pas de science forensique, pas d’expert ou de recherche ADN. Des faits, des auditions, des empreintes et rien d’autre! La modernité, elle, est en main du superintendant de Scotland Yard qui est venu tirer Higgins de sa retraite en raison de ses connaissances en égyptologie. Tous les suspects portent le même patronyme que l’un des protagonistes de la découverte de la tombe de Toutânkhamon par Howard Carter, le 4 novembre 1922. Le roman a quelque chose de très british: une vieille Bentley, des aristocrates excentriques, le Londres d’hier et d’aujourd’hui. Un roman bien ficelé, même s’il est parfois découpé comme un saucisson, en quarante-huit chapitres très courts. Les changements de chapitres ne se justifient d’ailleurs pas toujours. Mais que voulez-vous, mon Cher, l’attention du lecteur n’est plus ce qu’elle était. C’était mieux avant! La malédiction de Toutânkhamon, par Christian Jacq, XO éditions, 2016, 215 pages
Metamorphosis est le premier volume d’une série intitulée Houdini: magicien et détective. Et c’est une très bonne idée. Houdini a-t-il travaillé pour les services secrets américains? C’est probable si l’on en croit la note rédigée par Vivianne Perret en fin d’ouvrage à propos de la réalité historique de ses personnages. L’idée est plaisante et bien menée. Faire de Houdini, à l’aube de la célébrité, un auxiliaire de police et une taupe des services secrets donne donc naissance à une série dont ce Metamorphosis est le premier volet. Le suivant, à paraître au printemps 2017, proposera une histoire berlinoise. L’intrigue de ce premier tome est fort bien menée dans le San Francisco de 1890 et le contexte historique aussi bien respecté que possible. La langue simple et efficace de Vivianne Perret en fait un page turner incontournable. Metamorphosis, par Vivianne Perret, éditions du Masque, 2016, 251 pages Enregistrer Enregistrer
Le narrateur de ce roman a plusieurs visages. On le découvre chauffeur de callgirls de luxe, mais on apprend rapidement qu’il a eu une autre vie dans la Vallée, celle où le monde d’aujourd’hui se préparait il y a vingt ou trente ans. Au fil de l’histoire, on se demande qui est cet homme, quelle est sa part de vérité, sa part de fantasme. Rêve-t-il le monde dans lequel il vit? L’intrigue ne connaît pas vraiment de dénouement et le lecteur ne saura jamais ce que contient la carte magnétique remise par Peggy Sue au narrateur juste avant de mourir. Entre théorie du complot et réflexion philosophique sur le monde et sa dimension numérique, ce roman passe en revue les possibles évoqués ou explorés au cours des vingt dernières années. D’une belle écriture, Frédéric Jaccaud emmène son lecteur dans un monde où l’espérance n’a pas survécu. Exil, par Frédéric Jaccaud, éditions Gallimard, Série noire, 2016, 317 pages Enregistrer
Détruire Internet! Quelles seraient les conséquences? Pour Paul et Robin, programmeurs qui ont compté parmi les fondateurs du réseau des réseaux, l’idée est sujette à controverse. Paul est déterminé à détruire le Web, Robin s’y oppose. Et Robin maîtrise le code bien mieux que Paul. Paul se fait tirer dessus dès la première page du roman. Il s’agit donc, pour Robin, de prendre sa place. Mais il faut compter avec l’inspecteur Malone, dandy anglais qui en sait déjà beaucoup trop sur l’opération Pandora. Le roman se déroule sur vingt-quatre heures. Des heures au cours desquelles le lecteur suit Robin, notamment à l’hôpital où il rencontre Awa qui appartient, elle au monde non virtuel. Il y est rejoint par Julia, compagne de Paul qui a tout fait pour éloigner Robin de son ami. Robin possède les connaissances techniques qui manquent à Paul, mais il n’a pas son aura. Sera-t-il en mesure de prendre sa place pour exécuter la manœuvre de destruction d’Internet, à la tête d’une armée de dix mille hommes? Un roman construit sur une bonne, une très bonne idée. Le lecteur non initié est rarement laissé sur le bord du chemin. Les phrases sont courtes, le rythme haletant, au…
On retrouve dans ce roman l’ambiance de son prédécesseur, La fille de mon meilleur ami. Yves Ravey installe l’ambiance en quelques pages. Ses personnages sont toujours à la limite, entre la marge et l’intégration sociale. Dès les premières pages, on sait que Gu, Gustave Leroy, a tué John Lloyd, l’amoureux de Stéphanie qui, comme Mathilde dans le roman précédent, est serveuse dans une boîte de nuit. Paradoxalement, Stéphanie demande à Gu d’enquêter sur la disparition de son amoureux. Mais Mike, le frère de John, débarque dans la région. Personnage énigmatique, Mike parle peu, mais il est déterminé. La force d’Yves Ravey est d’obliger son lecteur à s’impliquer, à remplir les ellipses. Ou, Gu a tué John Lloyd, mais pourquoi? Pour garder sa maison? Pour garder Stéphanie? Ou pour une autre raison encore. Toute la saveur du polar servie par une écriture remarquable. Sans état d’âme, par Yves Ravey, éditions de Minuit, 2015, 126 pages.
Le narrateur de ce court et brillant roman possède plusieurs identités et plusieurs cartes de visites. Il a promis à son meilleur ami, sur le point de mourir à l’hôpital militaire de Montauban, qu’il prendrait soin de sa fille Mathilde. Mathilde a passé des années en asile psychiatrique et on lui a retiré la garde de son fils, Roméo. Le narrateur accède à la demande de Mathilde qui tient absolument à revoir son fils, ne serait-ce qu’une heure ou deux. Il se rend donc au domicile de l’ex-mari de Mathilde et y rencontre Sheila. S’ensuit un imbroglio de négociations et de chantages auxquels vient s’ajouter la perspective d’un joli coup financier. Le narrateur parvient en effet à faire main basse sur la généreuse collecte destinée à soutenir els ouvriers de l’usine Rhône-Poulenc, en grève depuis des semaines. Le coup était presque parfait. Mais Mathilde, personnage typiquement borderline, a tendance à trop parler… La fille de mon meilleur ami, par Yves Ravey, éditions de Minuit (Minuit double), 2015, 143 pages