Averroès ou le secrétaire du diable, par Gilbert Sinoué, éditions Fayard
BIOGRAPHIE , CRITIQUE , ROMAN / 15 novembre 2017

[RENTREE AUTOMNE 2017] Gilbert Sinoué se glisse dans la peau d’Averroès pour rédiger les mémoires de ce dernier grand penseur de l’islam des Lumières, voire de l’islam tout court. C’est de Marrakech, où il termine sa vie, qu’Averroès déroule son parcours. Petit-fils d’Abou al-Walid Mohammad, fils d’Abou al-Qasim Ahmad, qui lui donnera une solide éducation, Averroès étudie la jurisprudence, comme son père avant lui, puis la médecine sous la gouverne d’Abubacer puis d’Avenzoar. Mais, depuis son plus jeune âge, Averroès se passionne pour la pensée et ne cessera de se poser des questions, étudiant et commentant Aristote qui restera le compagnon de réflexion de toute sa vie. Obsédé par l’étude, Averroès refuse d’abord de prendre pour épouse celui que son père à choisie pour lui. Il découvre cependant la fièvre des corps auprès de Lobna, de dix-huit ans son aînée. La rupture avec Lobna conduira Averroès à accepter la proposition de son père. Il épouse sa jeune cousine Sarah. A travers la vie d’Averroès, Gilbert Sinoué nous fait découvrir la richesse, mais aussi les risques de la vie intellectuelle d’Al-Andalous. Averroès rédige des dizaines de livres, à commencer par sa réplique à L’Incohérence des philosophes d’Al-Ghazali, réplique qu’il intitule L’incohérence…

Le tour du monde du roi Zibeline, par Jean-Christophe Rufin, éditions Gallimard
CRITIQUE , ROMAN / 4 octobre 2017

Ce sont Jan et Vera Michalski qui, il y a quelques années, ont fait découvrir à Jean-Christophe Rufin l’étonnant personnage d’Auguste Benjowski en publiant ses Mémoires et Voyages, écrits en français, aux éditions Noir sur Blanc dans un premier temps, puis aux éditions Phébus. Né au milieu du 18è siècle, Maurice Auguste Benjowski (ou Beniowski) est un comte hongrois, aventurier, voyageur, explorateur, colonisateur et écrivain. Il a été roi de Madagascar, colonel français, dirigeant militaire polonais, soldat autrichien. C’est aussi le premier européen à naviguer dans le Nord-Pacifique, avant James Cook et Jean-François de La Pérouse. On retrouve dans ce roman certains des thèmes chers à Jean-Christophe Rufin, en particulier dans Rouge Brésil, L’Abyssin ou Le Grand Cœur. A commencer par l’ouverture sur le monde. Dans ce roman, c’est Bachelet, le précepteur d’Auguste qui lui inculque les idées des Lumières. Le roman souligne l’opposition entre respect de l’altérité et volonté d’asservir, de faire ressembler l’autre à soi-même. Une dualité qui résonne avec la double éducation de Benjowski: «Cet incident acheva de me révéler que je sortais de l’enfance comme un être à deux faces: dans ‘une se lisait la bonté fraternelle que je tenais de mon précepteur, cette force du…

Comment j’ai raté ma vie sexuelle, par Laura Lambrusco, ACTéditions
CRITIQUE , EROTIQUE , ROMAN / 27 juillet 2017

Laura Lambrusco (oui, elle est son propre personnage) a-t-elle vraiment raté sa vie sexuelle? Pas si sûr à lire les aventures débridées de cette Miss catastrophe. C’est la parfaire lecture d’été, 140 pages, un sujet en apparence léger, une écriture leste plus que crue et le passage en revue, non pas du Kamasutra, mais de bon nombre de situations possibles dans une vie sexuelle plus ou moins épanouie. L’auteur en profite pour pointer du doigt les travers de la France, la profonde, mais aussi la bobo, celle des CDD et des emplois précaires, des logements insalubres, de la prostitution et même de la police. Laura Lambrusco écrit comme on parle, cash. Elle prend son lecteur par la main et ses personnages par ailleurs. Elle prend aussi le temps de glisser quelques références pas anodines, philosophie et antiquité grecque. Lambrusco, c’est pétillant comme un verre de vin du même nom. On regrettera par contre les trop nombreuses coquilles et les fautes d’accords (en plus de celles «qui sont fait exprès») ainsi que la mise en page parfois déficiente de ce petit livre qui vous fera sourire. Comment j’ai raté ma vie sexuelle, par Laura Lambrusco, ACTéditions, 2016, 140 pages

Nour, pourquoi n’ai-je rien vu venir ?, par Rachid Benzine, Editions du Seuil
CRITIQUE , ESSAI , ROMAN , THEATRE / 4 mars 2017

«Je suis, depuis des mois, travaillé par une question lancinante, qui revient cogner en moi comme une migraine, récurrente, familière. Pourquoi de jeunes hommes et jeunes femmes, nés dans mon pays, issus de ma culture, dont les appartenances semblent recouvrir les miennes, décident-ils de partir dans un pays en guerre et de tuer au non d’un Dieu qui est aussi le mien ?» Cette question, Rachid Benzine, enseignant, islamologue et chercheur franco-marocain, a choisi de la traiter à travers une fiction. Mais son roman épistolaire a valeur d’essai tant il aborde intelligemment une question qui, pour beaucoup, reste sans réponse. Nour (qui signifie lumière en arabe) écrit à son père pour lui annoncer qu’elle est à Falloujah, où elle vient d’épouser le chef de la police locale. Son père, enseignant et philosophe, chercheur comme Rachid Benzine, est tout d’abord rassuré de recevoir des nouvelles de sa fille de vingt ans. Mais il est abasourdi par ce qu’il découvre. Nour, à qui il a inculqué le sens critique, les principes de l’analyse et de l’étude (elle poursuivait de brillantes études en philosophie et en science religieuse) a choisi de rejoindre l’Etat islamique. Père et fille vont dès lors correspondre, jusqu’au drame final….