L’Effroi, par François Garde, éditions Gallimard, Coup de cœur lettres frontière 2017
CRITIQUE , ROMAN / 3 novembre 2017

Lors de la première de Cosi fan tutte à l’Opéra Garnier, le chef d’orchestre Louis Craon, mondialement célèbre, effectue le salut nazi avant de commencer à diriger. Après quatre secondes de stupeur et d’effroi, Sébastien Armant, altiste au sein de l’orchestre, se lève et tourne le dos au chef. Les caméras de télévision sont présentes ce soir-là et ne manquent rien de l’événement. Elles filment aussi l’ensemble de l’orchestre qui se lève à son tour et Louis Craon, qui quitte la scène. Comme le veut la tradition, c’est le premier violon qui prend la baguette. Nous sommes le 20 avril, jour anniversaire de la naissance d’Adolf Hitler. Sébastien se retrouve sous les feux des projecteurs du jour au lendemain: journaux, radio, télévision, il est partout. Jean-Pierre Chomérac, président du conseil d’administration de l’Opéra, contesté pour son manque de connaissances musicales, voit en Sébastien l’occasion de conforter sa position, de mettre l’Opéra en lumière et de conquérir de nouveaux publics. Chaperonné par Anne-Sophie, la chargée de communication, Sébastien donne interview sur interview, rencontre des lycéens et participe même a un célèbre jeu télévisé. Là encore, il va dire non, mais du bout des lèvres, à la farce finale. Toute la vie…

Les fables de la joie, par Stéphane Blok, Bernard Campiche éditeur
CRITIQUE , ROMAN / 2 novembre 2017

Comment survivre? Comment survivre quand, après être sorti d’un tunnel dont il a forcé la porte à l’aide d’une barre de fer, le narrateur découvre un paysage de désolation. Tout est recouvert d’une suie blanchâtre, les cours d’eau sont asséchés, tout a disparu, arbres, maisons, repères. Ce narrateur se dit qu’il ne peut pas être le seul survivant, que, forcément, quelque part, il y a quelqu’un d’autre. Sentiment renforcé par le passage sonore et a basse altitude de deux avions de chasse au-dessus de sa tête. Il faut marcher. Marcher toujours dans la même direction, marcher jusqu’à rencontrer quelque chose ou quelqu’un. Le jour, tout est opaque. La nuit, le ciel prend des teintes orangées et mauves. Le marcheur finira par découvrir un repère et donc savoir où il se trouve, quelque part dans le Jura vaudois. Il survit grâce à la pluie, découvre une fourmi, preuve que la vie n’a pas totalement disparu. Puis une silhouette grise laisse supposer une agglomération à l’horizon. Marcher encore jusqu’à ce qui se révèle être les ruines d’un village. Exténué, le narrateur se couche sur le sol, s’endort, rêve en couleurs et sent la mort venir se blottir tout contre lui. Fin du…

La fin de la solitude, par Benedict Wells, éditions Slatkine & Cie
CRITIQUE , ROMAN / 1 novembre 2017

[RENTREE AUTOMNE 2017] «Le souvenir. Un roman, composé de cinq récits. Tous sont liés et le sujet principal, c’est la façon dont les souvenirs nous déterminent et nous dirigent.» C’est Romanov qui explique à Jules ce sur quoi il travaille en ce moment. Il donne aussi une idée assez précise de La fin de la solitude, le roman de Benedict Wells, traduit par Juliette Aubert. Jules, sa sœur Liz et son frère Marty sont des enfants heureux entre un père inquiet, épris de photographie et une mère lumineuse qui chante Moon River en s’accompagnant à la guitare lors de chaque fête de Noël. Mais un 8 janvier, les parents de Jules, Liz et Marty quittent Munich pour aller rendre visite à des amis, à Montpellier. Leur voiture s’encastre dans celle d’une jeune avocate, laissant trois orphelins. C’est au pensionnat que les trois enfants poursuivent leur vie, à des étages séparés en raison des différences d’âge et de sexe: apprentissage de la solitude. Jules devient le meilleur ami d’Alva, une jolie rousse à lunettes qui, elle aussi, a subi un traumatisme: la disparition de sa sœur Joséphine, que tout le monde appelait Phine, et dont on n’a retrouvé que le blouson….