La Musica, par Marguerite Duras, éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade
CRITIQUE , THEATRE / 4 décembre 2017

A l’origine, La Musica est une dramatique commandée par la BBC avant de devenir une pièce de théâtre créée le 8 octobre 1965 au Studio des Champs-Elysées, à Paris, puis d’être enfin adaptée au cinéma en 1967 par Marguerite Duras elle-même et Paul Seban. L’appareil critique proposé par La Bibliothèque de la Pléiade (Œuvres complètes, volume 2) donne à découvrir le synopsis de la dramatique commandée par la BBC, des extraits de son script, un texte de présentation de l’édition originale de la pièce (Gallimard, 1965), un synopsis du film ainsi que des notes pour ses deux interprètes, Delphine Seyrig et Robert Hossein. La trame de l’histoire ne varie que peu d’une version à l’autre. Seules les notes pour les deux acteurs donnent une idée plus précise du caractère des personnages. Nous sommes à Evreux, dans le hall d’un hôtel. Un homme et une femme qui viennent de divorcer s’y retrouvent et se racontent leur histoire. Il y est évidemment question de La Musica des mots et des sentiments, Musica à laquelle il faut éviter de succomber. Le hasard a voulu que je lise cette courte pièce de Marguerite Duras juste après Nos débuts dans la vie, de Patrick Modiano….

Nos débuts dans la vie, par Patrick Modiano, éditions Gallimard
CRITIQUE , THEATRE / 3 décembre 2017

Patrick Modiano n’avait rien publié depuis son Prix Nobel de Littérature, en 2014. Et voilà qu’il nous offre simultanément un roman et une pièce de théâtre, intimement liés. Nos débuts dans la vie, la pièce de théâtre, a été écrite avant le roman, de l’aveu même de l’auteur, comme s’il fallait en passer par cette pièce pour retrouver le rythme romanesque. A tel point que Patrick Modiano déclare à l’hebdomadaire Les Inrockuptibles que la pièce aurait pu être un chapitre de son roman, Souvenirs dormants. Nos débuts dans la vie se déroule dans un théâtre. Mise en abîme à tiroirs. La pièce joue avec La Mouette, celle de Tchekhov que répète Dominique, vingt ans, alors que son amoureux, Jean, vingt ans lui aussi, se promène avec le manuscrit de son premier roman qu’il garde dans une mallette attachée à son poignet par des menottes. Il craint que le compagnon de sa mère ne lui dérobe ses écrits pour les détruire. Elvire, la mère de Jean, est comédienne (comme celle de Modiano), elle aussi. Elle jalouse Dominique qui, malgré son jeune âge, se voir proposer de jouer Tchekhov, alors qu’elle reste cantonnée à des rôles de boulevard. Comme c’est presque toujours…

Lazare mon amour, par Gwenaëlle Aubry, éditions L’iconoclaste
BIOGRAPHIE , CRITIQUE , ESSAI , THEATRE / 29 octobre 2017

Lazare mon amour est un portrait. Celui de Sylvia Plath, poétesse mythique. Initialement publié dans l’ouvrage collectif L’une et l’autre (L’Iconoclaste, 2015), ce texte a d’abord vécu sur scène. Le spectacle littéraire incarné par Gwenaëlle Aubry accompagnée de chanteurs et de musiciens a été créé à la Maison de la poésie, à Paris, en 2014. L’auteur nous propose de prendre contact avec Sylvia Plath au travers d’un album de photos. Des photos qui livrent les visages et les silhouettes multiples de la poétesse. Beauté, amour, gloire, mode, détresse, mort, les images racontent aussi sûrement que l’œuvre ou que la biographie. Puis Gwenaëlle Aubry dénoue l’écheveau, le fil de la mort du père, drame fondateur. Celui de la mère, gardienne du temple, destinataire des centaines de lettres envoyées par sa fille. Le fil du coup de foudre pour Ted Hugues, le poète, à la fois Pygmalion et empêcheur de rimer en rond. Le fil de la mort aussi, que Sylvia Plath convoquera plusieurs fois avant de l’apprivoiser définitivement, à trente ans. Gwenaëlle Aubry nous livre un portrait à la fois intime et impressionniste de cette Américaine précoce, infiniment douée pour l’écriture, mais qui ne cessera de s’interroger sur le fossé qui…

Nour, pourquoi n’ai-je rien vu venir ?, par Rachid Benzine, Editions du Seuil
CRITIQUE , ESSAI , ROMAN , THEATRE / 4 mars 2017

«Je suis, depuis des mois, travaillé par une question lancinante, qui revient cogner en moi comme une migraine, récurrente, familière. Pourquoi de jeunes hommes et jeunes femmes, nés dans mon pays, issus de ma culture, dont les appartenances semblent recouvrir les miennes, décident-ils de partir dans un pays en guerre et de tuer au non d’un Dieu qui est aussi le mien ?» Cette question, Rachid Benzine, enseignant, islamologue et chercheur franco-marocain, a choisi de la traiter à travers une fiction. Mais son roman épistolaire a valeur d’essai tant il aborde intelligemment une question qui, pour beaucoup, reste sans réponse. Nour (qui signifie lumière en arabe) écrit à son père pour lui annoncer qu’elle est à Falloujah, où elle vient d’épouser le chef de la police locale. Son père, enseignant et philosophe, chercheur comme Rachid Benzine, est tout d’abord rassuré de recevoir des nouvelles de sa fille de vingt ans. Mais il est abasourdi par ce qu’il découvre. Nour, à qui il a inculqué le sens critique, les principes de l’analyse et de l’étude (elle poursuivait de brillantes études en philosophie et en science religieuse) a choisi de rejoindre l’Etat islamique. Père et fille vont dès lors correspondre, jusqu’au drame final….