Cette histoire haletante ne laisse aucun répit au lecteur. Saint-John est un homme d’affaires très puissant mais qui garde un certain nombre de principes. Il refuse par exemple la prise de pouvoir de la machine sur l’homme. Ce qui lui coûte la vie. Mark, son fils, initié aux affaires de longue date, reprend le flambeau paternel et part à la recherche des assassins de son géniteur. Son enquête lui permet de découvrir que Saint-John était l’un des neuf membres d’une mystérieuse confrérie appelée Sphinx. Les Neuf Supérieurs inconnus vont disparaître les uns après les autres, à l’exception du dernier, qui dirige la confrérie. Et le lecteur ne manquera pas d’être surpris lorsqu’il découvrira son identité. Bruce, journaliste écossais pour le moins brut de décoffrage, et meilleur ami de Mark, mène cette enquête qui mêle finance, technologies, services secrets, archéologie, alchimie, sexe et bonne cuisine. Un véritable thriller, parfois déroutant. Sphinx, par Christian Jacq, éditions XO, 2016, 387 pages
Vingt-deuxième enquête de l’inspecteur Higgins sous la plume de Christian Jacq, mais la première que je lis. Le parti pris est clair, il s’agit d’un polar à l’ancienne, pas de science forensique, pas d’expert ou de recherche ADN. Des faits, des auditions, des empreintes et rien d’autre! La modernité, elle, est en main du superintendant de Scotland Yard qui est venu tirer Higgins de sa retraite en raison de ses connaissances en égyptologie. Tous les suspects portent le même patronyme que l’un des protagonistes de la découverte de la tombe de Toutânkhamon par Howard Carter, le 4 novembre 1922. Le roman a quelque chose de très british: une vieille Bentley, des aristocrates excentriques, le Londres d’hier et d’aujourd’hui. Un roman bien ficelé, même s’il est parfois découpé comme un saucisson, en quarante-huit chapitres très courts. Les changements de chapitres ne se justifient d’ailleurs pas toujours. Mais que voulez-vous, mon Cher, l’attention du lecteur n’est plus ce qu’elle était. C’était mieux avant! La malédiction de Toutânkhamon, par Christian Jacq, XO éditions, 2016, 215 pages
Metamorphosis est le premier volume d’une série intitulée Houdini: magicien et détective. Et c’est une très bonne idée. Houdini a-t-il travaillé pour les services secrets américains? C’est probable si l’on en croit la note rédigée par Vivianne Perret en fin d’ouvrage à propos de la réalité historique de ses personnages. L’idée est plaisante et bien menée. Faire de Houdini, à l’aube de la célébrité, un auxiliaire de police et une taupe des services secrets donne donc naissance à une série dont ce Metamorphosis est le premier volet. Le suivant, à paraître au printemps 2017, proposera une histoire berlinoise. L’intrigue de ce premier tome est fort bien menée dans le San Francisco de 1890 et le contexte historique aussi bien respecté que possible. La langue simple et efficace de Vivianne Perret en fait un page turner incontournable. Metamorphosis, par Vivianne Perret, éditions du Masque, 2016, 251 pages Enregistrer Enregistrer
Un père mort dans le geôles de Salazar et l’exil vers la France, vers Lyon, en train. Pour Olivio, c’est un changement de vie, de monde, de langue. Mère et fils peuvent compter sur l’hospitalité de Luis et Lydia, le temps que la mère trouve un travail, puis un logement. Lorsque c’est chose faite, Max entre dans la vie d’Olivio et, surtout, dans celle de sa mère. Max est pied-noir, il a dû fuir l’Algérie. Le couple se trouve des souvenirs de sud à partager, jusqu’à un certain point. A Lyon, Olivio rencontre Ahmed. Lui aussi vient d’Algérie, mais il n’est pas du même bord que Max. Olivio a pour Ahmed une attirance ambiguë, une sorte d’amitié amoureuse. Survient la Révolution des œillets, ce fameux 25 avril 1974. Il est alors question pour Olivio et sa mère de retourner au Portugal, avec Luis et Lydia. Mais max s’y oppose. Olivio partira donc seul sur les traces de son père, près de la forteresse où il a été détenu et au cimetière où il repose. Il partira aussi à la découverte de sa sexualité, repoussant les avances de sa cousine Linda et ressentant de plus en plus douloureusement l’absence d’Ahmed. Brigitte…
Avec Permis C, Joseph Incardona nous raconte le quotidien d’un Rital de douze ans, mère suisse, père sicilien. Dans une cité de la banlieue genevoise, André est confronté à la violence d’une bande de gamins juste un peu plus âgés et un peu plus costauds que lui. Balloté de déménagement en déménagement, le môme est toujours le nouveau de la classe en plus d’être le Rital, systématiquement chahuté ou, pire encore, tout simplement ignoré. Ses amis, eux, sont japonais (Akizumi) ou québécois (Etienne), c’est dans l’altérité que l’on se reconnaît. Akizumi disparaîtra de la vie d’André avant les vacances d’été, juste après que sa mère, Miyu la prostituée, ait initié André à l’amour physique. Après les grandes vacances, c’est Etienne qui sera lui aussi confronté à la bande, jusqu’au drame. Entre deux, les vacances et l’Italie qui apparaissent comme la liberté, la vraie vie. Joseph Incardona sait nous faire partager le quotidien de son héros, nous faire comprendre la violence à laquelle il est confronté, cette violence que peut, que doit subir l’autre, parce qu’il est différent, parce qu’il est étranger. Pemis C, par Joseph Incardona, bsn Press, 228 pages
Le narrateur de ce roman a plusieurs visages. On le découvre chauffeur de callgirls de luxe, mais on apprend rapidement qu’il a eu une autre vie dans la Vallée, celle où le monde d’aujourd’hui se préparait il y a vingt ou trente ans. Au fil de l’histoire, on se demande qui est cet homme, quelle est sa part de vérité, sa part de fantasme. Rêve-t-il le monde dans lequel il vit? L’intrigue ne connaît pas vraiment de dénouement et le lecteur ne saura jamais ce que contient la carte magnétique remise par Peggy Sue au narrateur juste avant de mourir. Entre théorie du complot et réflexion philosophique sur le monde et sa dimension numérique, ce roman passe en revue les possibles évoqués ou explorés au cours des vingt dernières années. D’une belle écriture, Frédéric Jaccaud emmène son lecteur dans un monde où l’espérance n’a pas survécu. Exil, par Frédéric Jaccaud, éditions Gallimard, Série noire, 2016, 317 pages Enregistrer
Détruire Internet! Quelles seraient les conséquences? Pour Paul et Robin, programmeurs qui ont compté parmi les fondateurs du réseau des réseaux, l’idée est sujette à controverse. Paul est déterminé à détruire le Web, Robin s’y oppose. Et Robin maîtrise le code bien mieux que Paul. Paul se fait tirer dessus dès la première page du roman. Il s’agit donc, pour Robin, de prendre sa place. Mais il faut compter avec l’inspecteur Malone, dandy anglais qui en sait déjà beaucoup trop sur l’opération Pandora. Le roman se déroule sur vingt-quatre heures. Des heures au cours desquelles le lecteur suit Robin, notamment à l’hôpital où il rencontre Awa qui appartient, elle au monde non virtuel. Il y est rejoint par Julia, compagne de Paul qui a tout fait pour éloigner Robin de son ami. Robin possède les connaissances techniques qui manquent à Paul, mais il n’a pas son aura. Sera-t-il en mesure de prendre sa place pour exécuter la manœuvre de destruction d’Internet, à la tête d’une armée de dix mille hommes? Un roman construit sur une bonne, une très bonne idée. Le lecteur non initié est rarement laissé sur le bord du chemin. Les phrases sont courtes, le rythme haletant, au…
On retrouve dans ce roman l’ambiance de son prédécesseur, La fille de mon meilleur ami. Yves Ravey installe l’ambiance en quelques pages. Ses personnages sont toujours à la limite, entre la marge et l’intégration sociale. Dès les premières pages, on sait que Gu, Gustave Leroy, a tué John Lloyd, l’amoureux de Stéphanie qui, comme Mathilde dans le roman précédent, est serveuse dans une boîte de nuit. Paradoxalement, Stéphanie demande à Gu d’enquêter sur la disparition de son amoureux. Mais Mike, le frère de John, débarque dans la région. Personnage énigmatique, Mike parle peu, mais il est déterminé. La force d’Yves Ravey est d’obliger son lecteur à s’impliquer, à remplir les ellipses. Ou, Gu a tué John Lloyd, mais pourquoi? Pour garder sa maison? Pour garder Stéphanie? Ou pour une autre raison encore. Toute la saveur du polar servie par une écriture remarquable. Sans état d’âme, par Yves Ravey, éditions de Minuit, 2015, 126 pages.
Le narrateur de ce court et brillant roman possède plusieurs identités et plusieurs cartes de visites. Il a promis à son meilleur ami, sur le point de mourir à l’hôpital militaire de Montauban, qu’il prendrait soin de sa fille Mathilde. Mathilde a passé des années en asile psychiatrique et on lui a retiré la garde de son fils, Roméo. Le narrateur accède à la demande de Mathilde qui tient absolument à revoir son fils, ne serait-ce qu’une heure ou deux. Il se rend donc au domicile de l’ex-mari de Mathilde et y rencontre Sheila. S’ensuit un imbroglio de négociations et de chantages auxquels vient s’ajouter la perspective d’un joli coup financier. Le narrateur parvient en effet à faire main basse sur la généreuse collecte destinée à soutenir els ouvriers de l’usine Rhône-Poulenc, en grève depuis des semaines. Le coup était presque parfait. Mais Mathilde, personnage typiquement borderline, a tendance à trop parler… La fille de mon meilleur ami, par Yves Ravey, éditions de Minuit (Minuit double), 2015, 143 pages