Dans ce beau roman de Jean-Michel Guenassia, c’est Marguerite Gachet, la fille du fameux Docteur Gachet, qui nous parle. Promise au fils du pharmacien depuis l’enfance, elle déroule sa vie de jeune fille de dix-neuf ans entre l’absence d’une mère décédée trot tôt et un père indifférent. La force de l’habitude règne en maîtresse absolue. Jusqu’à ce que débarque, d’abord dans la vie du Docteur, puis, très vite, dans celle de la jeune femme, un certain Vincent, peintre fauché de son état. Ce que nous lisons, ce sont les carnets de Marguerite, rédigés, semble-t-il, des années plus tard. Elle y raconte son histoire d’amour avec Van Gogh. Mais la jeune femme a une rivale imbattable, la peinture. Au travers de cette histoire d’amour, Jean-Michel Guenassia nous promène subtilement dans cette fin de 19è siècle. Le talent des Impressionnistes n’est pas encore reconnu et le Docteur Gachet, pas si bon que ça, flaire la bonne affaire. L’auteur nous plonge aussi au cœur de la création de Van Gogh. Enfin, et ce n’est pas la moindre des choses, il donne de la fin du peintre une version bien différente de celle retenue par la culture populaire. Un roman plaisant, à l’écriture ample,…
Il est aujourd’hui possible de manipuler le génome humain en copiant et collant des séquences. Les big data permettent de savoir de nous plus de choses que ce que nous sommes capables de nous souvenir. L’excellent livre de Luc Ferry fait l’état des lieux des connaissances et des recherches actuelles sur le transhumanisme, voire le posthumanisme. Il démontre aussi comment l’uberisation du monde a déjà commencé à bouleverser nos vies. Passionnant, le livre de Luc Ferry ne sombre pas dans le pessimisme ambiant. Il n’en est pas pour autant complètement enthousiaste. Le philosophe pose les bonnes questions et nous livre avantages et inconvénients de ces avancées technologiques que plus rien ne peut arrêter. L’auteur en appelle à la régulation, une régulation pensée et détachée des intérêts particuliers. Autre constat, et non des moindres, la marge de manœuvre quasi nulle des Etats-nations dans ces processus de régulation. Au mieux, écrit Luc Ferry, le problème doit être traité à l’échelle européenne. Toute régulation de moindre échelle serait vouée à l’échec, c’est une évidence. Le plus inquiétant concerne peut-être l’uberisation de la société. De tout temps, la technologie a fait disparaître des emplois, mais en a créé d’autres, dans des proportions à peu…
Foutez-vous la paix! et commencez à vivre a pour ambition de nous libérer de nos carcans. Et ils sont nombreux. Dans un monde qui confond formation et formatage, il devient urgent de se foutre la paix. Ce qui ne veut pas dire faire n’importe quoi, bien au contraire. «C’est l’aveuglement à suivre certaines règles qui nous fait faire n’importe quoi.» Et Fabrice Midal d’empoigner le problème à pleines mains. A commencer par le domaine de sa propre pratique, la méditation. A la pleine conscience, l’auteur préfère la pleine présence. Pas de dogme, ni de recette dans son enseignement de la méditation. Il s’agit surtout d’être présent. «La méditation n’est pas toujours confortable, elle est toujours libération.» Et c’est en étant présent plutôt que conscient que nous parviendrons à la bienveillance aimante, c’est-à-dire à l’estime de soi. L’ouvrage de Fabrice Midal aidera le lecteur à retrouver sa singularité, une singularité mouvante au fil des expériences, des lectures, des rencontres. Etre soi. Telle est la recherche que permet d’effectuer cet ouvrage libérateur. Sans qu’être soi devienne une affirmation égocentrique de notre individualisme. A mettre entre toutes les mains.
Avec ces portraits de femmes remarquables, militantes parce qu’elles ne pouvaient pas faire autrement, Manon Schick, directrice générale d’Amnesty International Suisse, dresse un portrait des Droits de l’homme (et surtout de la femme) à travers le monde. Journaliste, avocate, enseignante, fille soldate, les onze femmes présentées dans cet ouvrage sont des militantes remarquables et pas toujours remarquées. Leila Arikarami par exemple, avocate iranienne qui a longtemps travaillé dans l’ombre de Shirin Ebadi, prix Nobel de la Paix, Ou China Keitetsi, devenue porte-parole des enfants soldats dans le monde entier après être passée par les pires expériences de guerre et de sévices. Violences domestiques, viol utilisé comme arme de guerre, tout démontre que les droits des femmes sont systématiquement bafoués et que les droits acquis ne le sont jamais définitivement. De petites victoires en avancées modestes, ces onze femmes ont un point commun, elle ne baissent jamais les bras. Même après de longs séjours en prison, elles reprennent la lutte, souvent au péril de leur vie, au prix ce l’exil ou de l’éclatement de leur famille. En s’interrogeant sur ce qui motive ces femmes exceptionnelles, Manon Schick nous parle aussi d’elle et de son engagement, des événement qui ont, de son…
Qu’est-ce que le populisme? Est-il possible de le théoriser? La réponse est indiscutablement oui une fois refermé le livre de Jan-Werner Müller, enseignant en théorie politique et en histoire des idées à l’Université de Princeton. Après avoir exposé le populisme en théorie dans la première partie de son ouvrage, et en partie dans la deuxième, l’auteur se penche sur la manière qu’ont les démocrates de se confronter au populisme. Et le constat est assez sévère. La tendance est à exclure les mouvements populistes, eux-mêmes excluants en vertu de leur spécificité: leur prétention a représenter le peuple, le vrai peuple, dans sa totalité. Ne pas être en accord avec les thèses des populistes exclu de facto de ce qu’ils appellent le vrai peuple. Dans le système politique participatif, les populistes ont beau jeu de critiquer les élites qui les empêchent d’accéder à un pouvoir auquel le vrai peuple leur donnerait droit s’il était entendu. Une fois arrivés au pouvoir, les populistes prétendent être empêchés d’agir par les puissances économiques, voire des puissances occultes. La théorie du complot n’est pas très loin. Il est important de préciser que la perception et la compréhension du populisme est très différents d’un continent à l’autre….
S’il paraît treize ans après Livret de famille, ce récit de Magyd Cherfi est chronologiquement antérieur. Il raconte l’année du bac de l’auteur. Il sera la premier à l’obtenir dans sa cité et l’épisode de la remontée de la rue Raphaël, le jour des résultats, est digne des meilleurs westerns. Pour obtenir ce bac, le jeune Magyd a dû faire face à de multiples pressions, souvent violentes. Celle de sa mère d’abord, qui n’a plus que le mot bac à la bouche. Les vannes de la bande ensuite. Avec ses potes, Samir le militant et Momo le beau parleur, Magyd est régulièrement traité de pédé parce qu’il lit, et se fait même casser la gueule, pour la même raison. Il y a la pression du désir adolescent, impossible à satisfaire dans une cité ou un poème adressé à une fille est sanctionné par une sévère correction, administrée sur le siège arrière d’une voiture par les frères et les cousins de la belle. Il y a aussi la pression des plus jeunes et des familles pour celui qui joue les grands frères, entre soutien scolaire aux petits et ambassade auprès des mères pour que leur filles puissent assister à l’atelier théâtre….
Azouz Begag est chercheur au CNRS, parolier de chansons, scénariste pour la télévision et il a enseigné aux Etats-Unis. De 2005 à 2007, il a aussi été ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances. Quelques clés qui permettent de bien comprendre son dernier roman, La voix de son maître. «Qui peut me dire comment l’exil vient aux errants». Cet extrait de la chanson Je Pars, de Nicolas Peyrac aurait parfaitement trouvé sa place dans le roman d’Azouz Begag, roman qui est par ailleurs truffé de chansons et de références musicales. Sauf que dans le cas de Samir Ajaar, cet exil est temporaire et qu’il pourrait bien mettre fin à l’errance. Ajaar qui se réfère régulièrement au Chien Blanc de Romain Gary. L’homonymie n’est forcément pas un hasard. Samir s’ennuie dans son couple, il déprime, se morfond, crise profonde de la quarantaine. Et c’est en entendant son frère Nabil chanter L’Amérique de Joe Dassin qu’il décide de partir. Grâce à Bill, un ancien camarade d’études américain, il dégotte un poste temporaire à UCLA. Entre les sautes d’humeur schizophréniques de Bill, son désir inassouvi de Jane, fortunée célibataire de Mulholand Drive, et une étudiante qu’il nomme Paris Hilton, Samir ne…
Martial Kermeur a balancé par dessus bord Antoine Lazenec, promoteur immobilier. Le corps a été retrouvé sur la plage. Kermeur a tué, la chose est certaine dès les premières pages du roman. C’est dans le bureau du juge que se déroule tout le livre. Kermeur raconte l’histoire de ce projet immobilier, cette providence pour la presqu’île de Brest. Un projet qui aura mis six ans à ne pas se construire à l’emplacement de ce que les autochtones appellent le château. Château qui lui, par contre, a été démoli. Le juge parle peu, très peu. Si bien que Kermeur se confie, s’ausculte, se sonde comme il le ferait sur le divan d’un psychanalyste. Ancien ouvrier de l’arsenal de Brest, Kermeur a investi les cinq cent douze mille francs de sa prime de licenciement dans le projet de Lazenec. Et c’est sous ses fenêtres que le projet n’avance pas. Militant socialiste, ami de Martial Le Goff, le maire, socialiste lui aussi, Kermeur raconte les six ans de son attente, de son espoir et de sa désillusion. L’âge de son fils, Erwan, lui sert de point de repère. Il a onze ans quand tout commence, il en a dix-sept et se trouve derrière…
1967. La fille de Staline fait défection. Avant d’être accueillie à New-York dans une effervescence comparable à celle provoquée par les Beatles trois ans auparavant, Svetlana transite par la Suisse avec pour seul viatique le manuscrit de sa première autobiographie. Un livre qui lui fera gagner des millions de dollars et dans lequel elle raconte sa vie au Kremlin. Une vie que Beata de Robien nous restitue dans le détail, du suicide de sa mère Nadia alors qu’elle n’a pas sept ans, à ses trois mariages en Russie, mariages dont sont nés deux enfants, Ossia et Katia. Elle les laissera derrière elle en fuyant vers l’ouest. C’est un voyage en Inde, où elle a été autorisée à se rendre pour rapatrier les cendres de sont amant/mari Brajesh Singh, qui lui donne l’occasion de quitter l’URSS, début mars 1967. Installée aux Etats-Unis, fortune faire grâce aux droits de sa première autobiographie, Svetlana mène une vie confortable, même si elle distribue généreusement sa fortune à des œuvres de bienfaisance. C’est son quatrième mari, Wesley Peters, qui la ruinera. Elle éponge ses dettes, finance les expériences agricoles de son fils et se place sous la coupe de la veuve de l’architecte Frank Lloyd…
Passionnant ouvrage écrit dans le prolongement de la série documentaire Jésus et l’islam diffusée par Arte. La grande majorité des lecteurs sera surprise de découvrir le rôle important joué par Jésus dans le Coran qui évoque notamment longuement la crucifixion. Jérôme Prieur et Gérard Mordillat font un travail d’analyse remarquable, démontrant comment le christianisme est né du judaïsme et comment l’islam est issu de ces deux Religions du Livre. La principale controverse entre musulmans et chrétiens à propos de Jésus réside dans la Sainte Trinité des chrétiens que les musulmans ne peuvent concevoir, Dieu étant Dieu et unique. Les noms de Mahomet et de Jésus, tous deux serviteurs de Dieu, figurent quasiment à égalité sur la grande fresque du Dôme du Rocher, érigé à Jérusalem à l’emplacement de l’ancien Temple de Salomon.Pourtant, dans le Coran, Jésus est celui qui intervient à la Fin des Temps pour terrasser l’Antéchrist, le Dajjâl, alors que Mahomet ne joue là quasiment aucun rôle. On se demande pourquoi l’omniprésence de Jésus dans le Coran n’est pas mieux connue des chrétiens. On retiendra dans le remarquable travail des deux auteurs, la recherche de la vérité historique qui, bien souvent, se heurte aux résistances religieuses. Ici, la…