La Cheffe, roman d’une cuisinière, par Marie Ndiaye, Editions Gallimard
CRITIQUE , ROMAN / 16 janvier 2017

Marie Ndiaye est une styliste, c’est indiscutable. Elle le prouve une fois de plus avec La Cheffe, roman d’une cuisinière. Le livre retrace la vocation, l’ascension et la chute d’une modeste employée de maison appelée à remplacer la cuisinière de la famille bourgeoise qui l’emploie La confection de son premier repas nous est contée par le menu, sans omettre le moindre détail, sur des dizaines de pages. Puis la Cheffe occupera son premier emploi dans un restaurant de Bordeaux avant d’ouvrir son propre établissent, la Bonne Heure. Toute l’histoire est narrée par son plus dévoué, son plus attentif et son plus amoureux employé qui, au moment de nous parler de son idole, a pris sa retraite à Lloret de Mar, station balnéaire catalane où il attend sa fille, Cora. Le roman pêche précisément par ce qu’il dénonce. La Cheffe se bat contre le clinquant, l’inutile, le superflu. Elle cherche à donner aux produits leur dignité, leur vraie valeur, leur vraie saveur. Elle fuit les honneurs et les compliments. Le roman pourrait d’ailleurs fort bien être une métaphore du métier d’écrivain. Marie Ndiaye y fait brièvement allusion : «Il m’arrive d’oublier, quand je m’adresse à vous, quand je pense à la…

Bande originale de Chaleur, par Joseph Incardona
BANDE ORIGINALE , ROMAN / 13 janvier 2017

Avec Chaleur, Joseph Incardona nous raconte donc l’histoire des deux finalistes des quatre dernières éditions du Championnat du Monde de Sauna, la quatrième et dernière faisant l’objet du roman. Un titre va jouer un rôle très important dans la dernière partie du roman, il va même accompagner l’action jusqu’à son point culminant. Ce titre apparaît dès la page 54: «Il monte dans son pick-up, conduit pieds nus, en jeans et T-Shirt. Roule en écoutant AC/DC, allume une cigarette, cette chanson où il est question d’un type au cœur foudroyé par le corps des filles trop belles, il roule dans les méandres de la terre spongieuse de Finlande, là où le continent hésite entre la terre et l’eau, entre la nuit et le jour. Entre la solitude et l’abandon.» Joseph Incardona jette un regard sans concession sur la société du spectacle, ce monde où le bruit de fond prend toute la place aux mots. Page 70: «Autour d’elle, dans la lumière tamisée, des femmes chuchotent. Elle préférerait le calme mais, de toute façon, la musiquette en fond sonore Relaxing chill out s’échappant d’enceintes invisibles ajoute à la pollution sonore». Chaleur fait aussi monter la température au fil de quelques scène de…

Chaleur, par Joseph Incardona, Editions Finitude, Prix du Polar Romand 2017
CRITIQUE , PRIX LITTERAIRES , ROMAN / 13 janvier 2017

Oui, il existe un Championnat du Monde de Sauna. Du moins a-t-il existé jusqu’en 2010. Joseph Incardona s’empare du sujet pour Chaleur, un roman qui n’a de léger que l’apparence. Niko Tanner, star du porno vieillissante, est le vainqueur des trois dernières éditions du Championnat. Igor Azarov, ancien militaire russe, est son éternel challenger. Le roman emmène le lecteur dans un sauna chauffé à blanc, 110 degrés, des qualifications auxquelles prennent part 102 concurrents, à la finale, qui se joue à cinq, dont Igor et Niko naturellement. Niko et Igor sont tous les deux à la fin d’un cycle et pressentent que ce Championnat du Monde sera le dernier. Niko enfreint le règlement en buvant de la vodka et en sniffant de la coke. Autant d’obstacles à sa préparation qu’il sacrifie à la douceur des bras et des cuisses de la jeune et belle Loviisa. Igor, lui aussi, bafoue le règlement, mais pour d’autres raisons et au moment où sa fille Alexandra, qu’il na pas vue depuis quinze ans, débarque à Heinola pour suivre la compétition. Chaleur est le roman de toutes les solitudes. Solitudes qui se côtoient, qui s’affrontent. Celle de Niko contre celle d’Igor. Celle de Loviina à…

Sphinx, par Christian Jacq, XO éditions
CRITIQUE , POLAR , ROMAN / 18 novembre 2016

Cette histoire haletante ne laisse aucun répit au lecteur. Saint-John est un homme d’affaires très puissant mais qui garde un certain nombre de principes. Il refuse par exemple la prise de pouvoir de la machine sur l’homme. Ce qui lui coûte la vie. Mark, son fils, initié aux affaires de longue date, reprend le flambeau paternel et part à la recherche des assassins de son géniteur. Son enquête lui permet de découvrir que Saint-John était l’un des neuf membres d’une mystérieuse confrérie appelée Sphinx. Les Neuf Supérieurs inconnus vont disparaître les uns après les autres, à l’exception du dernier, qui dirige la confrérie. Et le lecteur ne manquera pas d’être surpris lorsqu’il découvrira son identité. Bruce, journaliste écossais pour le moins brut de décoffrage, et meilleur ami de Mark, mène cette enquête qui mêle finance, technologies, services secrets, archéologie, alchimie, sexe et bonne cuisine. Un véritable thriller, parfois déroutant. Sphinx, par Christian Jacq, éditions XO, 2016, 387 pages

La malédiction de Toutânkhamon, par Christian Jacq, XO éditions
CRITIQUE , POLAR , ROMAN / 16 novembre 2016

Vingt-deuxième enquête de l’inspecteur Higgins sous la plume de Christian Jacq, mais la première que je lis. Le parti pris est clair, il s’agit d’un polar à l’ancienne, pas de science forensique, pas d’expert ou de recherche ADN. Des faits, des auditions, des empreintes et rien d’autre! La modernité, elle, est en main du superintendant de Scotland Yard qui est venu tirer Higgins de sa retraite en raison de ses connaissances en égyptologie. Tous les suspects portent le même patronyme que l’un des protagonistes de la découverte de la tombe de Toutânkhamon par Howard Carter, le 4 novembre 1922. Le roman a quelque chose de très british: une vieille Bentley, des aristocrates excentriques, le Londres d’hier et d’aujourd’hui. Un roman bien ficelé, même s’il est parfois découpé comme un saucisson, en quarante-huit chapitres très courts. Les changements de chapitres ne se justifient d’ailleurs pas toujours. Mais que voulez-vous, mon Cher, l’attention du lecteur n’est plus ce qu’elle était. C’était mieux avant! La malédiction de Toutânkhamon, par Christian Jacq, XO éditions, 2016, 215 pages

Metamorphosis, par Vivianne Perret, éditions du Masque
CRITIQUE , POLAR , ROMAN / 14 novembre 2016

Metamorphosis est le premier volume d’une série intitulée Houdini: magicien et détective. Et c’est une très bonne idée. Houdini a-t-il travaillé pour les services secrets américains? C’est probable si l’on en croit la note rédigée par Vivianne Perret en fin d’ouvrage à propos de la réalité historique de ses personnages. L’idée est plaisante et bien menée. Faire de Houdini, à l’aube de la célébrité, un auxiliaire de police et une taupe des services secrets donne donc naissance à une série dont ce Metamorphosis est le premier volet. Le suivant, à paraître au printemps 2017, proposera une histoire berlinoise. L’intrigue de ce premier tome est fort bien menée dans le San Francisco de 1890 et le contexte historique aussi bien respecté que possible. La langue simple et efficace de Vivianne Perret en fait un page turner incontournable. Metamorphosis, par Vivianne Perret, éditions du Masque, 2016, 251 pages Enregistrer Enregistrer

Nous serons des héros, par Brigitte Giraud, éditions Stock
CRITIQUE , ROMAN / 12 novembre 2016

Un père mort dans le geôles de Salazar et l’exil vers la France, vers Lyon, en train. Pour Olivio, c’est un changement de vie, de monde, de langue. Mère et fils peuvent compter sur l’hospitalité de Luis et Lydia, le temps que la mère trouve un travail, puis un logement. Lorsque c’est chose faite, Max entre dans la vie d’Olivio et, surtout, dans celle de sa mère. Max est pied-noir, il a dû fuir l’Algérie. Le couple se trouve des souvenirs de sud à partager, jusqu’à un certain point. A Lyon, Olivio rencontre Ahmed. Lui aussi vient d’Algérie, mais il n’est pas du même bord que Max. Olivio a pour Ahmed une attirance ambiguë, une sorte d’amitié amoureuse. Survient la Révolution des œillets, ce fameux 25 avril 1974. Il est alors question pour Olivio et sa mère de retourner au Portugal, avec Luis et Lydia. Mais max s’y oppose. Olivio partira donc seul sur les traces de son père, près de la forteresse où il a été détenu et au cimetière où il repose. Il partira aussi à la découverte de sa sexualité, repoussant les avances de sa cousine Linda et ressentant de plus en plus douloureusement l’absence d’Ahmed. Brigitte…

Pemis C, par Joseph Incardona, bsn Press
CRITIQUE , ROMAN / 10 novembre 2016

Avec Permis C, Joseph Incardona nous raconte le quotidien d’un Rital de douze ans, mère suisse, père sicilien. Dans une cité de la banlieue genevoise, André est confronté à la violence d’une bande de gamins juste un peu plus âgés et un peu plus costauds que lui. Balloté de déménagement en déménagement, le môme est toujours le nouveau de la classe en plus d’être le Rital, systématiquement chahuté ou, pire encore, tout simplement ignoré. Ses amis, eux, sont japonais (Akizumi) ou québécois (Etienne), c’est dans l’altérité que l’on se reconnaît. Akizumi disparaîtra de la vie d’André avant les vacances d’été, juste après que sa mère, Miyu la prostituée, ait initié André à l’amour physique. Après les grandes vacances, c’est Etienne qui sera lui aussi confronté à la bande, jusqu’au drame. Entre deux, les vacances et l’Italie qui apparaissent comme la liberté, la vraie vie. Joseph Incardona sait nous faire partager le quotidien de son héros, nous faire comprendre la violence à laquelle il est confronté, cette violence que peut, que doit subir l’autre, parce qu’il est différent, parce qu’il est étranger. Pemis C, par Joseph Incardona, bsn Press, 228 pages

Exil, par Frédéric Jaccaud, éditions Gallimard
CRITIQUE , POLAR , ROMAN / 9 novembre 2016

Le narrateur de ce roman a plusieurs visages. On le découvre chauffeur de callgirls de luxe, mais on apprend rapidement qu’il a eu une autre vie dans la Vallée, celle où le monde d’aujourd’hui se préparait il y a vingt ou trente ans. Au fil de l’histoire, on se demande qui est cet homme, quelle est sa part de vérité, sa part de fantasme. Rêve-t-il le monde dans lequel il vit? L’intrigue ne connaît pas vraiment de dénouement et le lecteur ne saura jamais ce que contient la carte magnétique remise par Peggy Sue au narrateur juste avant de mourir. Entre théorie du complot et réflexion philosophique sur le monde et sa dimension numérique, ce roman passe en revue les possibles évoqués ou explorés au cours des vingt dernières années. D’une belle écriture, Frédéric Jaccaud emmène son lecteur dans un monde où l’espérance n’a pas survécu. Exil, par Frédéric Jaccaud, éditions Gallimard, Série noire, 2016, 317 pages Enregistrer

Où la lumière s’effondre, par Guillaume Sire, éditions Plon
CRITIQUE , POLAR , ROMAN / 7 novembre 2016

Détruire Internet! Quelles seraient les conséquences? Pour Paul et Robin, programmeurs qui ont compté parmi les fondateurs du réseau des réseaux, l’idée est sujette à controverse. Paul est déterminé à détruire le Web, Robin s’y oppose. Et Robin maîtrise le code bien mieux que Paul. Paul se fait tirer dessus dès la première page du roman. Il s’agit donc, pour Robin, de prendre sa place. Mais il faut compter avec l’inspecteur Malone, dandy anglais qui en sait déjà beaucoup trop sur l’opération Pandora. Le roman se déroule sur vingt-quatre heures. Des heures au cours desquelles le lecteur suit Robin, notamment à l’hôpital où il rencontre Awa qui appartient, elle au monde non virtuel. Il y est rejoint par Julia, compagne de Paul qui a tout fait pour éloigner Robin de son ami. Robin possède les connaissances techniques qui manquent à Paul, mais il n’a pas son aura. Sera-t-il en mesure de prendre sa place pour exécuter la manœuvre de destruction d’Internet, à la tête d’une armée de dix mille hommes? Un roman construit sur une bonne, une très bonne idée. Le lecteur non initié est rarement laissé sur le bord du chemin. Les phrases sont courtes, le rythme haletant, au…