Trois jours chez ma mère, par François Weyergans, éditions Folio, prix Goncourt 2005

31 juillet 2017

«Les histoires, on s’en moque, il y en a plein les journaux» disait Céline. Et donc, on se moque bien de l’histoire de ce roman, couronné par le prix Goncourt en 2005. De quoi s’agit-il en réalité? D’une incroyable mise en abîme, de matriochkas. François Weyergans raconte l’histoire d’un écrivain, François Weyergraf, qui ne parvient pas à terminer un roman intitulé Trois jours chez ma mère, et dont il nous livre les trois premiers chapitres. Chapitres qui racontent l’histoire d’un écrivain, François Graffenberg, qui ne parvient pas à terminer son roman, qui a pour titre…

«Je me disais qu’on écrit que pour sa mère, que l’écriture et la mère ont partie liée» écrit Weyergans. Et nous voilà au nœud du problème. Comment se confronter à l’écriture, comment vivre avec elle au quotidien? Les François écrivent, dans le train ou ailleurs, dans leur tête souvent, en de permanentes digressions qui nous mènent du Québec à Manosque en passant par la Suisse ou le Japon. François Weyergans n’étale pas son érudition, qui est pourtant grande. Il la distille, ou plutôt, il l’instille. Paysages, cinéma, littérature, religion, antiquités, tout est bon, matière à malaxer pour le but ultime: écrire, encore et toujours. Philippe Djian parle volontiers de la manière dont un écrivain «pose sa caméra» afin de définir la manière dont un auteur voit les choses. François Weyergans a été critique aux Cahiers du cinéma et a réalisé plusieurs longs métrages. Il livre dans ce roman les images qui sont, peut-être, celles de sa vie (mais quelle importance). La littérature, n’est-ce pas, finalement, le montage (l’agencement) de ces images. Jean Cocteau affirmait qu’un réalisateur doit monter lui-même son film, sans quoi ce film risquait de lui échapper.

Il y aurait des pages à écrire sur les liens entre littérature et sexualité. Le sexe et l’érotisme sont d’ailleurs aux fondements de la littérature, du Cantique des Cantiques à L’Art d’aimer, d’Ovide, en passant par le Kamasutra ou Le Banquet, de Platon. Pour les François, le sexe est fondamental et n’est pas l’amour. Le sexe est la source de sensations, d’émotions, d’expériences hors normes. Pour les François, le sexe est aussi synonyme de liberté.

Autre liberté que s’accorde Weyergans, celle de penser à la marge. «J’ai parfois l’impression de jouer le rôle de celui qui pense anormalement par rapport au groupe, ce que la psychologie sociale appelle un excentrique. Je m’écarte pourtant si peu des habitudes reçues.»

Trois jours avec ma mère est un roman qui pose à chaque lecteur (peut-être davantage qu’à chaque lectrice) des questions intimes, personnelles, fondamentales, comme les François s’en posent à eux-mêmes: «Est-ce qu’on ne passe pas notre vie à passer à côté de celle des gens qu’on aime?» Si vous avez la réponse…

Trois jours chez ma mère, par François Weyergans, éditions Folio, 2007, 230 pages, prix Goncourt 2005.

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