Les cancres de Rousseau, par Insa Sané, éditions Sarbacane

7 octobre 2017

[RENTREE AUTOMNE 2017] Les cancres de Rousseau est la préquelle des quatre précédents romans d’Insa Sané (Sarcelles-Dakar, Du plomb dans le crâne, Gueule de bois et Daddy est mort) que les éditions Sarbacane ont la bonne idée de republier pour l’occasion dans la collection X‘ (Exprime). Il s’agit donc, chronologiquement, des premières aventures des protagonistes de la Comédie urbaine. Nous sommes en 1994, Djiraël, Sacha, Armand, Jazz, Rania, Doumam et les autres sont en terminale, le bac en ligne de mire. Djiraël est candidat au poste de délégué des délégués de classe du lycée. L’occasion de découvrir, à son échelle, les coups bas, mais aussi les avantages du pouvoir. Entre un prof d’histoire alcoolo et une prof de math sadique, un enseignant trouve grâce aux yeux des ados, Monsieur Fèvre, le seul qui s’intéresse à eux.

La bande de Djiraël est considérée comme un ramassis de cancres, classée dans la catégorie racaille, ou pas loin. Pourtant, cette jeunesse-là a envie d’avenir, souhaite changer le monde, même si elle ne se fait pas beaucoup d’illusions: «Comment réussir à changer le monde quand Dumas et Césaire ont échoué?»

Au lycée, Djiraël prend donc le pouvoir: «On était devenus des politiciens de la plus belle extraction: des super-vilains qui avaient pris le pouvoir.» Si ce pouvoir offre à l’occasion un possible enrichissement personnel ou la prise d’ascendant sur les plus jolies filles du bahut, c’est aussi un difficile apprentissage de la vie et de ses responsabilités. Et quand il s’agit de sauver le poste de Monsieur Fèvre, ce pouvoir est vital.

La bande imaginée par Insa Sané ne manque pas de valeurs: «Dans mon monde, on enfreignait les lois, mais pas les règles, aussi stupides soient-elles.» Une seule loi, plusieurs morales, un classique philosophique. Ces adolescents portent tous des blessures: père absent ou alcoolique, mère volage. Mais pas question de montrer ses faiblesses ou ses émotions, même lorsqu’il s’agit de connaître les premières expériences sexuelles.

D’abord rappeur, puis slameur, puis comédien et acteur avant d’entrer en écriture, Insa Sané brosse un portrait tendre mais sans concession de la génération de ceux qui ont eu vingt ans dans les années 90. Les banlieues, l’auteur en connaît les codes, la langue, les usages. Et son roman sonne juste à chaque page, à chaque phrase, ne fait jamais semblant. C’est dans une langue imagée et des tournures souriantes que l’auteur partage avec nous ce monde qui s’adresse d’abord au jeune public. Mais les moins jeunes feraient bien de se plonger dans ce séduisant roman. Ils laisseraient sûrement sur le bord de leur lecture quelques stéréotypes et idées toutes faites sur une jeunesse qui vaut bien mieux que ce que les médias veulent bien nous en montrer.

Les cancres de Rousseau, par Insa Sané, éditions Sarbacane, 2017, 331 pages

Ecouter la bande originale du roman d’Insa Sané.

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