Le Sans Dieu, par Virginie Caillé-Bastide, éditions Héloïse d’Ormesson

10 octobre 2017

[RENTREE AUTOMNE 2017] Il ne faut que quelques pages pour apprivoiser la langue de Virginie Caillé-Bastide, celle de l’époque à laquelle elle situe son roman, le début du 18è siècle. Arzhur de Kerloguen, modeste seigneur de Plouharnel, dans le Morbihan, voit mourir son petit Jehan, emporté par le froid et la famine de ce terrible janvier 1709. En perdant son septième et dernier enfant, Arzhur perd aussi la foi et sa femme, Gwenola, devenue folle.

Six ans plus tard, dans les mers des Caraïbes, le modeste seigneur est devenu l’Ombre, capitaine du Sans Dieu, un navire de pirates sans foi ni loi. L’Ombre est d’une cruauté sans limite. Il écume les mers et attaque tout bâtiment passant à sa portée. En abordant un galion espagnol, il épargne la vie d’un père jésuite, Padre Anselme. Celui-ci se donne pour tâche de faire recouvrer la foi au sanguinaire Arzhur. Les parties d’échecs qu’ils partagent sont l’occasion d’argumenter sur l’existence de Dieu. Arzhur n’y croit plus depuis que ce Dieu d’amour et de bonté lui a enlevé ses sept enfants. Et son expérience de pirate n’a fait que renforcer cette conviction. Anselme, lui, y croit, sans pour autant être dogmatique.

Virginie Caillé-Bastide nous offre un véritable roman d’aventure, une histoire de pirate historiquement fidèle et précise, aux antipodes des films caricaturaux mettant en scène des pirates dans les Caraïbes, paradis terrestre, mais véritable enfer pour les victimes de la traite négrière.  Le père Anselme, qui a étudié les vertus des plantes dans la jungle tropicale, fait figure de sorcier dans ce monde où un coup de mousquet ou de sabre n’est pas rare. Le roman aborde aussi la vaste question de la liberté, avec pour point d’orgue la scène au cours de laquelle Arzhur décide de relâcher le Padre: «La liberté est le seul trésor que j’aie jamais possédé et je vous dénie le droit d’en user à ma place. Alors, si je décide de rester, qu’allez-vous faire? Me jeter par-dessus bord ou m’égorger de vos propres mains?»

Dans une langue à la forme et au rythme séduisants, Virginie Caillé-Bastide signe un premier roman d’excellent facture.

Le Sans Dieu, par Virginie Caillé-Bastide, éditions Héloïse d’Ormesson, 2017, 331 pages.

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