Le tour du monde du roi Zibeline, par Jean-Christophe Rufin, éditions Gallimard

4 octobre 2017

Ce sont Jan et Vera Michalski qui, il y a quelques années, ont fait découvrir à Jean-Christophe Rufin l’étonnant personnage d’Auguste Benjowski en publiant ses Mémoires et Voyages, écrits en français, aux éditions Noir sur Blanc dans un premier temps, puis aux éditions Phébus. Né au milieu du 18è siècle, Maurice Auguste Benjowski (ou Beniowski) est un comte hongrois, aventurier, voyageur, explorateur, colonisateur et écrivain. Il a été roi de Madagascar, colonel français, dirigeant militaire polonais, soldat autrichien. C’est aussi le premier européen à naviguer dans le Nord-Pacifique, avant James Cook et Jean-François de La Pérouse.

On retrouve dans ce roman certains des thèmes chers à Jean-Christophe Rufin, en particulier dans Rouge Brésil, L’Abyssin ou Le Grand Cœur. A commencer par l’ouverture sur le monde. Dans ce roman, c’est Bachelet, le précepteur d’Auguste qui lui inculque les idées des Lumières. Le roman souligne l’opposition entre respect de l’altérité et volonté d’asservir, de faire ressembler l’autre à soi-même. Une dualité qui résonne avec la double éducation de Benjowski: «Cet incident acheva de me révéler que je sortais de l’enfance comme un être à deux faces: dans ‘une se lisait la bonté fraternelle que je tenais de mon précepteur, cette force du sentiment qui, selon son enseignement, devrait guider toujours les choix moraux. Et sur l’autre, la brutalité, la vigueur, la colère, héritage inaliénable de mon père que jamais aucune philosophie ne serait tout à fait capable de modérer.»

Jean-Christophe Rufin aime les personnages féminins forts. Aphanasie, la compagne et future épouse qu’il invente (à partir de deux personnages réels) à Auguste est de cette trempe. Elle porte littéralement les idées philosophiques acquises auprès d’Auguste et incarne l’esprit des Lumières. Son instinct est également bien supérieur à celui de son compagnon, même si elle n’ose pas ou ne peut pas en faire état sur le moment: «Il est des circonstances où celui qui voit trop loin doit baisser les yeux.»

Le tour du monde du roi Zibeline est un récit à deux voix, à la langue magnifique. Auguste et Aphanasie se trouvent dans le bureau de Benjamin Franklin, à Philadelphie. Thomas Jefferson y fera également une apparition en fin de roman. Jean-Christophe Rufin signe un beau roman sur la liberté. Benjowski découvre en effet en Pologne qu’on peut refuser l’absolutisme. A Madagascar, il parviendra à fédérer des ethnies ennemies. Et sur le chemin de Formose et de la Chine, il croisera un certain Okhotyne qui lui fera dire: «Jamais je n’aurais imaginé que la liberté eut tant de visages, dont celui que je découvrais avec Okhotyne et qui ressemblait si fort à la captivité.»

Le tour du monde du roi Zibeline, par Jean-Christophe Rufin, éditions Gallimard, 2017, 367 pages

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