Légende d’un dormeur éveillé, par Gaëlle Nohant, éditions Héloïse d’Ormesson
BIOGRAPHIE , CRITIQUE , POESIE , ROMAN / 23 octobre 2017

[RENTREE AUTOMNE 2017] Il y a les livres qui vous plaisent, ceux après la lecture desquels vous n’êtes plus tout à fait pareil et ceux qui vous ébranlent, profondément, durablement. Légende d’un dormeur éveillé est de ceux-là! Quel torrent d’amour pour Robert Desnos a-t-il fallu à Gaëlle Nohant pour tisser ce subtil roman biographique, le surpiquer de citations qui font toujours sens et éclairent le récit? Desnos n’a jamais adhéré à aucune chapelle, ni celle du surréalisme corseté par un Breton dictatorial, ni celle du communisme, chère à Aragon et omniprésente dans les réseaux de la naissante Résistance. Le poète est d’un bloc, droit dans ses bottes, quoi qu’il advienne. Hors la poésie, amis et amours mobilisent toute son âme, toutes ses pensées. L’amitié fraternelle pour Jean-Louis Barrault, ou celle plus taquine qui l’unit à Prévert. Les amitiés poétiques aussi avec ses frères en mots et souvent en convictions: Pablo Neruda, Federico Garcia Lorca ou Paul Eluard. Il y a l’amour innaccesible de ses jeunes années, son adoration pour la chanteuse Yvonne Georges qui toujours se refusera à lui mais pour qui il acceptera même de fumer l’opium. Et puis, il y a Youki, que le peintre Foujita lui confiera…

Les absents, levez le doigt!, par Pierre Bénichou, éditions Grasset
CRITIQUE , ESSAI , SOUVENIRS PERSONNELS / 15 septembre 2017

Une fois n’est pas coutume, je vais beaucoup vous parler de moi en parlant du magnifique livre de Pierre Bénichou, le premier qu’il publie, à l’âge de 78 ans. Pierre Bénichou a aujourd’hui une image de people, d’amuseur public. La faute aux Grosses Têtes dont il est l’un des piliers. Mais Pierre Bénichou a longtemps été rédacteur en chef du Nouvel Observateur. Et c’est dans les pages de l’hebdomadaire qu’il a initialement publié les textes ici rassemblés sous ce beau titre : Les absents, levez le doigt ! Vingt-six. Vingt-six doigts levés. Vingt-six textes pour dire adieu. La nécro, comme on dit dans les rédactions, est un exercice difficile, je n’en ai signées que fort peu en presque quarante ans de métier : Bob Marley (que je n’ai ni connu ni même rencontré), Bernard Grobet, patron emblématique du Griffin’s Club (j’aurais des dizaines d’histoires à raconter à son sujet) et Claude Richoz, mon père professionnel, inoubliable rédacteur en chef de feu le quotidien La Suisse. Pierre Bénichou signe donc vingt-six nécrologies de personnages, de personnalités qu’il a connues, fréquentées et dont la plupart étaient des amis. De A comme Aragon à V comme Ventura, il enterre avec affection et une plume superbe quelques…

L’Opium du ciel, par Jean-Noël Orengo, Editions Grasset
CRITIQUE , ROMAN / 12 février 2017

«La femme est l’avenir de l’homme» écrivait Aragon. Elle est aussi son passé, son fondement, si l’on en croit L’Opium du ciel, le deuxième roman de Jean-Noël Orengo. Jérusalem est un drone né de la fusion de deux de ses semblables, Lovecraft, aéronef civil, et CSNR108, d’origine militaire. Jérusalem est né d’un père et d’une mère d’adoption qui se sont rencontrés au «campement», un lieu hors du temps et de l’espace. Lovecraft était la propriété de la jeune S (comme fiché S), adolescente embrigadée par Daesh-Necronomicon. CSNR108 était piloté par Eurêka, une femme déterminée qui n’a pourtant pas réussi à actionner le dispositif d’autodestruction du drone alors qu’elle en a perdu le contrôle. S et Eurêka. Ce sont donc deux femmes qui sont à l’origine des parties constitutives de Jérusalem. Mais ceux qui vont lui donner son âme, sa faculté de penser, ses sentiments et son autonomie (y compris énergétique), ce sont ce père et cette mère d’adoption. Jean-Noël Orengo offre une mise en lumière à des personnages réels et un peu oubliés qui font ainsi leur entrée dans sa fiction. Raphael Patai est le père, Marija Gimbutas est la mère. Elle est l’une des plus grandes archéologues et anthropologues…