Cœurs silencieux, par Anne Brécart, éditions Zoé
CRITIQUE , ROMAN / 28 décembre 2017

Dans ses Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand écrit ceci: «Montaigne dit que les hommes  vont béant aux choses futures: j’ai la manie de béer aux choses passées. Tout est plaisir, surtout lorsque l’on tourne les yeux sur les premières années de ceux que l’on chérit; on allonge une vie aimée; on étend l’affection que l’on ressent sur des jours que l’on a ignorés et que l’on ressuscite; on embellit ce qui fut de ce qui est; on recompose de la jeunesse.» Avec Cœurs silencieux, Anne Brécart recompose indiscutablement de la jeunesse. Est-il possible de remonter aux sources de l’amour et du désir? Arrivée au milieu de la cinquantaine, Hannah quitte celui qui a partagé vingt-cinq années de sa vie. D’abord réfugiée chez une amie du même âge et de même situation, elle saisit le prétexte du règlement de la succession de sa mère pour retourner à Chandossel, son village d’enfance. Dans la maison familiale, Hannah est rattrapée par le passé, par les odeurs, par les ciels et par la nature. Rien n’a changé ou presque dans le village fribourgeois. Au premier réveil dans cette demeure du souvenir, il est là, devant la porte, pour l’aider à porter les bûches qui alimenteront le…

Comment faire lire les hommes de votre vie, par Vincent Monadé, éditions Payot
CRITIQUE , ESSAI / 1 juin 2017

Lorsqu’on préside le CNL (Centre National du Livre), on aime lire, forcément. Et on a envie de faire lire! Vincent Monadé, inspiré par Olivier Poivre d’Arvor, livre un opuscule jubilatoire au titre évocateur: Comment faire lire les hommes de votre vie, aux éditions Payot. «Il n’y a rien de plus sexy qu’un homme qui lit» écrivait Marie Darrieussecq dans Il faut beaucoup aimer les hommes. Or, des hommes qui lisent, il n’y en a pas beaucoup, pas assez. Ou plutôt, il n’y en a pas beaucoup qui lisent de la littérature. Et Vincent Monadé d’empoigner le problème franchement et de saisir sa plume affûtée de pèlerin pour convertir les foules. Il s’adresse à vous, Mesdames, afin que vous convertissiez les hommes de votre vie à ce plaisir, pas toujours solitaire, qu’est la lecture. Tous les moyens sont bons et il ne faut pas hésiter à commencer, même modestement. Si Chéri lit L’Equipe, c’est déjà bon signe. Il a choisi le plus littéraire des quotidiens, celui où la fine plume de Vincent Duluc a succédé à celle d’Antoine Blondin à qui il arrivait de… boire son encrier! Le grand mérite du livre de Vincent Monadé est d’avoir été écrit avec le…

Ma part de Gaulois, par Magyd Cherfi, Editions Actes Sud
CRITIQUE , RECIT / 13 avril 2017

S’il paraît treize ans après Livret de famille, ce récit de Magyd Cherfi est chronologiquement antérieur. Il raconte l’année du bac de l’auteur. Il sera la premier à l’obtenir dans sa cité et l’épisode de la remontée de la rue Raphaël, le jour des résultats, est digne des meilleurs westerns. Pour obtenir ce bac, le jeune Magyd a dû faire face à de multiples pressions, souvent violentes. Celle de sa mère d’abord, qui n’a plus que le mot bac à la bouche. Les vannes de la bande ensuite. Avec ses potes, Samir le militant et Momo le beau parleur, Magyd est régulièrement traité de pédé parce qu’il lit, et se fait même casser la gueule, pour la même raison. Il y a la pression du désir adolescent, impossible à satisfaire dans une cité ou un poème adressé à une fille est sanctionné par une sévère correction, administrée sur le siège arrière d’une voiture par les frères et les cousins de la belle. Il y a aussi la pression des plus jeunes et des familles pour celui qui joue les grands frères, entre soutien scolaire aux petits et ambassade auprès des mères pour que leur filles puissent assister à l’atelier théâtre….