Roman singulier que ce Sciences de la vie. Ninon Moïse est frappée d’un mal étrange: la peau de ses bras provoque une insupportable douleur au moindre effleurement. Seulement les bras, des épaules aux poignets. Peut-on maîtriser la douleur en la nommant? Pas sûr. L’allodynie tactile dynamique dont souffre l’adolescente ne s’estompe pas après avoir été nommée. La peau et la douleur sont les motifs récurrents de ce roman construit comme une pièce musicale dont le refrain serai plus long, beaucoup plus long que les couplets. Le refrain, ce sont les visites de Ninon à une armée de spécialistes sensés lui venir en aide: dermatologues, radiologues, médecins, psychiatres, chamanes, hydrothérapeutes, kinés, cardiologues. Aucun ne parviendra à atténuer la douleur, à vaincre le mal. Seule une tatoueuse parviendra à détourner la douleur en noircissant les bras de la jeune fille. Ninon en a eu l’idée en voyant une photo de Daniel Darc, bras encrés fièrement brandis. Les couplets sont constitués des récits de maladies étranges, rares ou incongrues qui frappent l’ascendance de Ninon depuis des siècles. C’est sa mère qui les lui raconte, presque pieusement. Le roman foisonne de termes médicaux, d’énumérations anatomiques, ce qui lui donne une dimension poétique étonnante. Joy…
Marie Javet aime les mises en abîme. Le titre de son roman est aussi celui du livre que publie son héroïne, June Lajoie, cloîtrée dans un palace d’Interlaken pour réviser son manuscrit. Mais June n’a pas toujours été June, elle a d’abord été Lizzie Willow, fille de très bonne famille américaine partie faire ses études à Montreux de 1986 à 1992. Durant cette période, et pour se défaire de l’étiquette «gosse de riche» qui lui colle à la peau, elle s’invente une troisième identité: Sybil. Tout ce passé va éclater au visage de la quadragénaire devenue écrivain à succès. Le détonateur est une apparition, celle d’une petite fille de huit ou neuf ans, dans le miroir de sa chambre d’hôtel. June veut connaître les raison de cette apparition et enquête. Elle va découvrir le drame de l’enfant, drame qui résonne avec celui de sa propre existence alors qu’elle jouait sa vie de Sybil. Marie Javet nous livre une histoire fort bien construite dans une langue qui, si elle ne révolutionnera pas la littérature du 21è siècle, reste de très bonne facture. Les lieux sont décrits avec justesse et des événements réels, comme le Leysin Rock Festival, ravivent les souvenirs des…
Un père mort dans le geôles de Salazar et l’exil vers la France, vers Lyon, en train. Pour Olivio, c’est un changement de vie, de monde, de langue. Mère et fils peuvent compter sur l’hospitalité de Luis et Lydia, le temps que la mère trouve un travail, puis un logement. Lorsque c’est chose faite, Max entre dans la vie d’Olivio et, surtout, dans celle de sa mère. Max est pied-noir, il a dû fuir l’Algérie. Le couple se trouve des souvenirs de sud à partager, jusqu’à un certain point. A Lyon, Olivio rencontre Ahmed. Lui aussi vient d’Algérie, mais il n’est pas du même bord que Max. Olivio a pour Ahmed une attirance ambiguë, une sorte d’amitié amoureuse. Survient la Révolution des œillets, ce fameux 25 avril 1974. Il est alors question pour Olivio et sa mère de retourner au Portugal, avec Luis et Lydia. Mais max s’y oppose. Olivio partira donc seul sur les traces de son père, près de la forteresse où il a été détenu et au cimetière où il repose. Il partira aussi à la découverte de sa sexualité, repoussant les avances de sa cousine Linda et ressentant de plus en plus douloureusement l’absence d’Ahmed. Brigitte…
Le narrateur de ce court et brillant roman possède plusieurs identités et plusieurs cartes de visites. Il a promis à son meilleur ami, sur le point de mourir à l’hôpital militaire de Montauban, qu’il prendrait soin de sa fille Mathilde. Mathilde a passé des années en asile psychiatrique et on lui a retiré la garde de son fils, Roméo. Le narrateur accède à la demande de Mathilde qui tient absolument à revoir son fils, ne serait-ce qu’une heure ou deux. Il se rend donc au domicile de l’ex-mari de Mathilde et y rencontre Sheila. S’ensuit un imbroglio de négociations et de chantages auxquels vient s’ajouter la perspective d’un joli coup financier. Le narrateur parvient en effet à faire main basse sur la généreuse collecte destinée à soutenir els ouvriers de l’usine Rhône-Poulenc, en grève depuis des semaines. Le coup était presque parfait. Mais Mathilde, personnage typiquement borderline, a tendance à trop parler… La fille de mon meilleur ami, par Yves Ravey, éditions de Minuit (Minuit double), 2015, 143 pages