Dans Plus tard je serai un enfant, son livre d’entretien avec Catherine Lalanne, Eric-Emmanuel Schmitt avoue: «Si Méphistophélès, le ministre de Satan, apparaissait et me proposait d’effacer tout ce que j’ai déjà écrit pour devenir l’auteur d’un air de Mozart ou d’un prélude de Chopin, je lui dirais «oui» aussitôt». L’auteur confirme cette confidence dans son récit autobiographique, Madame Pylinska et le secret de Chopin. D’abord réfractaire au piano familial, un Schiedmayer droit et plutôt massif, le jeune Eric-Emmanuel Schmitt lui trouve toutes les grâces après que sa tante Aimée en fasse surgir «l’efflorescence d’un univers parallèle, l’épiphanie d’une manière d’exister différente». Grâce à Chopin, évidemment! Pas étonnant dès lors que ce récit s’inscrive dans Le Cycle de l’invisible, à la suite de Milarepa, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, Oscar et la dame rose, L’Enfant de Noé, Le Sumo qui ne pouvait pas grossir et Les dix enfants que Madame Ming n’a jamais eus. Car il ne s’agit pas seulement de percer le secret de Chopin («Il y a des secrets qu’il ne faut pas percer mais fréquenter: leur compagnie vous rend meilleur»), il s’agit aussi et surtout de comprendre la vie.
Pour apprivoiser Chopin, Eric-Emmanuel Schmitt fait donc appel à Madame Pylinska, une Polonaise dont l’apparente excentricité ne manque pas de surprendre, voire de déstabiliser son élève. Cueillir une pâquerette sans en faire tomber la rosée, écouter le silence, faire des ronds dans l’eau, contempler le vent dans les branches des arbres, faire l’amour avant de venir au cours, telles sont les exigences de celle qui est davantage un guide qu’un professeur.
Approcher le secret de Chopin, c’est comprendre qui l’on est vraiment. Ce qu’Eric-Emmanuel Shmitt a compris, il a choisi l’écriture. Tant pis pour Méphistophélès. Mais on ne serai pas surpris que l’auteur adapte ce récit au théâtre ou pour le cinéma, ce qui lui donnerait l’occasion de jouer Chopin pour nous…
Madame Pylinska et le secret de Chopin, par Eric-Emmanuel Schmitt, éditions Albin Michel, 2018, 119 pages
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