La Légèreté, par Catherine Meurisse, Editions Dargaud

29 janvier 2017

«On dit des choses solides, lorsqu’on ne cherche pas à en dire d’extraordinaires.» La phrase d’Isidore Ducasse s’applique parfaitement à ce bel album de Catherine Meurisse, dessinatrice qui a échappé au massacre de Charlie Hebdo grâce à une panne de réveil. Comment se remet-on d’un tel traumatisme? Comment accepter, comprendre, intégrer la disparition de tous ces collègues, de tous ces amis?

Catherine Meurisse raconte brièvement son entrée à Charlie Hebdo, dix ans avant l’horreur, sa soirée du 6 janvier et son arrivée tardive du 7. Elle narre beaucoup plus longuement, et c’est tout l’intérêt de l’album, ce qui s’est passé après: la dévastation, la dissociation, la perte des souvenirs, la protection rapprochée, la solitude et l’impossibilité d’être seule. Comment s’en sortir, comment continuer à vivre? Le syndrome de Stendhal semble être la seule planche de salut. Ce syndrome est une maladie psychosomatique qui provoque des accélérations du rythme cardiaque, des vertiges, des suffocations, voire des hallucinations chez certains individus exposés à une surcharge d’œuvres d’art, et donc à une surcharge de beauté.

Dans son album autobiographique, Catherine Meurisse raconte sa résidence à la Villa Médicis où elle espère se confronter à cette surcharge de beauté. Mais dans un premier temps, elle voit dans l’ensemble statuaire mis en place par Balthus dans les jardins de la Villa, la reproduction des horreurs du carnage qui la hante. Elle va pourtant se remettre à dessiner, dans l’atelier d’Ingres, alors occupé par Lek & Sowat qui mettent à sa disposition espace et matériel.

L’auteure ne sera pas sujette au syndrome de Stendhal, elle ne sera pas submergée de beauté, mais elle va être en mesure de la percevoir et de l’apprécier à nouveau. Cette beauté qui la sauve en lui rendant sa légèreté.

Catherine Meurisse ne nous offre pas une, mais des écritures graphiques. De la quasi esquisse aux somptueuses planches en couleur, toute la palette des sentiments et des émotions défile sous les yeux du lecteur. Et c’est également tout en légèreté et en nuances que l’auteure nous fait saisir l’ampleur du monde qui a disparu le 7 janvier 2015, pour elle et pour les autres rescapés.

Catherine Meurisse, La légèreté, Editions Dargaud

Un commentaire

  • Nine 8 février 2017 à14 h 57 min

    Une approche singulière et touchante du traumatisme vécu ! Nine