Mise en pièces, par Nina Leger, Editions Gallimard

30 janvier 2017

Le bandeau rouge qui barre le bas de la couverture annonce: ROMANCE. Mise en pièces, deuxième roman de Nina Leger, est la romance vécue par Jeanne avec le sexe des hommes. Jeanne feint le malaise, s’affaisse contre une surface de préférence froide, c’est important le sentiment de froid entre les omoplates, et attend qu’un inconnu lui offre son aide. Inconnu qu’elle emmène aussitôt dans le premier hôtel venu, miteux ou de luxe. De lui, elle ne garde rien d’autre que l’image de son sexe: «Qu’importent le visage, la taille, la carrure ou le ventre: elle ne leur accorde pas le moindre regard, car rien, dans la physionomie d’un homme, n’annonce jamais son sexe

Avec les images de ces sexes, Jeanne se construit un «palais de mémoire». Un palais qu’elle arpente en pensées et où elle est en mesure de se remémorer très précisément chaque sexe connu. On ne sait rien de Jeanne, ni qui elle est, ni l’âge qu’elle a, ni la profession que, peut-être, elle exerce. Elle pourrait être enseignante suggère Nina Leger. Mais. «Le professeur est une facilité narrative autant qu’il est un risque aux conséquences potentiellement catastrophiques dans le cas d’un récit qui prend pour objet la vie sexuelle de son héroïne.» Tout est là: facilité narrative, risque, récit, vie sexuelle, héroïne. Une héroïne et pas un héros, la chose a son importance: «Le goût du sexe, lui, n’était pas une puissance, mais la conséquence d’une extrême faiblesse. Incapables d’exister comme sujets responsables, les héroïnes ne vivaient que d’être les objets du désir mâle.» Facilité narrative; il n’y en a pas dans ce roman superbement écrit et subtilement construit. Dont on regrettera peut-être la fin par trop éclatée entre sex-shop, sexe tubes et dragouilles adolescentes dans le métro. Pour le reste, Nina Leger détricote les codes du genre, pointe le jugement qui frappe à coup sûr la femme sexuelle, utilise avec justesse un vocabulaire choisi, bite et queue n’apparaissant que dans les scènes de sex-shop et de porn tubes, jamais pour les sexes qui entrent au palais de mémoire. Un roman hors norme et puissant.

Mise en pièces, par Nina Leger, Editions Gallimard, 155 pages

Pas de commentaire

Les commentaires sont fermés.