Khalil, par Yasmina Khadra, éditions Julliard

26 août 2018

[RENTREE AUTOMNE 2018] Ils sont trois, trois qui ont grandi dans le quartier de Molenbeek, cette commune de Bruxelles qui a fait les gros titres de la presse après les attentats de 2015. Il y a Rayan, Driss et Khalil. «Rayan, Driss et moi avions appris à tenir sur nos pattes sous le même toit et nous nous étions cassé la figure sur le même carrelage. Ma mère nous avait élevés comme des triplés. A trois ans, Rayan fut confié à une crèche, Driss et moi restâmes à la maison.» Rayan est celui qui a réussi, sa mère y a veillé, consacrant sa vie à son fils. Sans jugement sur le comportement des uns et des autres, Yasmina Khadra laisse entendre que l’éducation joue un rôle prépondérant dans l’évolution des jeunes hommes. De la place qu’ils occuperont dans la société dépendra le respect qu’on leur témoignera. Rayan est celui qui a réussi. Il occupe un emploi d’ingénieur en informatique dans une société de management. Driss a rapidement décroché et, lorsqu’il doit refaire sa seconde, Khalil lui emboîte le pas et brûle son cartable une bonne fois pour toutes.

C’est Lyès qui change le destin de Khalil: «Il m’avait éveillé aux indicibles beautés intérieures et avait fait de moi un être éclairé. Ma «chienne de vie», je l’avais roulée dans un torchon et jetée au caniveau. Ce que je laissais derrière moi ne comptait pas. Le meilleur de moi-même était au bout de cette route qui filait droit, aussi euphorique qu’un tapis volant.»

Le lecteur découvre Khalil dès la première page, le 13 novembre 2015, avec trois autres protagonistes, dont Driss, en route pour le Stade de France. Driss doit intervenir dans le stade, Khalil dans le RER tout proche: «je glissai ma main dans la poche de mon veston, pensai à Driss, à ma sœur jumelle et à ma mère, récitai le chahada en mon for intérieur et pressai sur le poussoir relié à ma ceinture d’explosif… Rien. Je mis plusieurs secondes à réaliser que la charge que j’avais autour de la taille ne répondait pas.» A partir de là, le lecteur suit Khalil dans ses mouvements comme dans ses pensées. En rupture avec sa famille, son père en particulier, il a trouvé au sein de l’association Solidarité fraternelle le respect qu’on ne lui témoigne nulle part ailleurs.

Sans tomber dans les clichés et les explications simplistes, Yasmina Khadra parvient à nous faire saisir le cheminement intellectuel et affectif qui a conduit Khalil sur le chemin du terrorisme. Sa mission au Stade de France ayant échoué, il s’en voit confier une autre, sur le territoire de son pays d’origine, le Maroc. Mais dans l’intervalle, Khalil a beaucoup parlé avec Rayan, qui l’a sauvé plus d’une fois de situations scabreuses, avec Moka, le vieux clodo de Molenbeek. Il a souvent pensé à la mort de Driss qui lui n’est pas revenue du Stade de France ce 13 novembre. Et puis il y a la mort de Zahra, sa sœur jumelle, emportée par les attentats de Bruxelles.

Khalil sera-t-il en mesure d’assurer sa mission à Marrakech? Les dernières pages du très bon roman de Yasmina Khadra vous le révèleront.

Khalil, par Yasmina Khadra, éditions Julliad, 2018, 260 pages

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