S’il paraît treize ans après Livret de famille, ce récit de Magyd Cherfi est chronologiquement antérieur. Il raconte l’année du bac de l’auteur. Il sera la premier à l’obtenir dans sa cité et l’épisode de la remontée de la rue Raphaël, le jour des résultats, est digne des meilleurs westerns. Pour obtenir ce bac, le jeune Magyd a dû faire face à de multiples pressions, souvent violentes. Celle de sa mère d’abord, qui n’a plus que le mot bac à la bouche. Les vannes de la bande ensuite. Avec ses potes, Samir le militant et Momo le beau parleur, Magyd est régulièrement traité de pédé parce qu’il lit, et se fait même casser la gueule, pour la même raison. Il y a la pression du désir adolescent, impossible à satisfaire dans une cité ou un poème adressé à une fille est sanctionné par une sévère correction, administrée sur le siège arrière d’une voiture par les frères et les cousins de la belle. Il y a aussi la pression des plus jeunes et des familles pour celui qui joue les grands frères, entre soutien scolaire aux petits et ambassade auprès des mères pour que leur filles puissent assister à l’atelier théâtre….
Il est particulièrement intéressant de relire Livret de famille, treize ans après sa parution. Premier livre de Magyd Cherfi qui s’est, depuis, retrouvé sur la liste du Goncourt avec Ma part de Gaulois, ce récit lançait des alertes, deux ans après l’accession de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle française. Magyd Cherfi y exprime le déchirement et le rejet avec sensibilité et justesse. Déchirement de ceux qui se sentent Gaulois mais qui vivent dans une communauté où la religion musulmane est omniprésente, bien que pratiquée, ou non, à des degrés très divers. Rejet de ladite communauté pour les progressistes, rejet de la France pour les conservateurs. Une image est particulièrement parlante. Elle concerne le match de football France-Algérie. Je criais Algérie, mais je pensais France, confie l’auteur. «Ah ! Voltaire et Rousseau ! Quand on a lu ces mecs, on s’en remet pas. En assassinant Dieu, ils nous avaient fait naître une seconde fois». L’auteur convoque donc Voltaire et Rousseau pour revendiquer le droit à l’athéisme. Le rapport à la femme est également abordé avec beaucoup de franchise, et le chapitre intitulé Autobus impérial en dit davantage que toutes les théories fumeuses sur l’intégration. Au moment où paraît ce…
Dix ans après les événements, Matthieu Mégevand revient dans ce récit sur la maladie qui l’a frappé alors qu’il n’avait que vint-et-un ans. La maladie? Un lymphome de Hodgkin, soit un cancer du système lymphatique. Le récit commence par les vacances de jeunes adultes dans le sud de la France. Premières manifestations de la maladie qui n’est pas encore perçue comme telle. Retour à Genève. Premiers examens, diagnostic. «Ce que me dit ce radiologue et qui ne laisse plus aucun doute: « Un écartement au niveau du cœur ». Cette phrase-là, elle résonne dans ma tête. Elle change toute ma vie.» Pour l’auteur, il s’agit d’explorer ce que la mémoire a retenu de ces événements qui ont changé toute sa vie. Qu’a retenu la mémoire, qu’a-t-elle oublié? Dès les premières pages, cet aveu : «Je dois le dire. Ce premier souvenir que je raconte: le mettre ainsi par écrit, le mettre en mot déjà me coûte. Cela m’inquiète, cela dénature tout.» L’auteur s’acharne pourtant, fouille dans les souvenirs et dans un carnet noir où sont consignés les poèmes, les pensées, le journal de l’époque. Mais Matthieu Mégevand va plus loin et fait de ce récit un véritable objet littéraire. A chaque étape…