Philippe Besson nous raconte donc l’histoire de son premier amour. Nous sommes en 1984, l’auteur à 17 ans. Il décrit la période par touches savamment dosées, et notamment au travers de la musique. Première référence lors d’un voyage à Londres, page 45: «Je découvrirai Londres, une auberge de jeunesse à côté de la gare de Paddington, un concert de Bronski Beat, les boutiques de fripes, les harangueurs de Hyde Park, les soirs de bière, les jeux de fléchettes, quelques nuits fauves».
C’est l’occasion pour Philippe Besson de nous dire comment est née son envie de bouger, «le goût pour le mouvement, l’impossibilité de tenir en place, la détestation de ce qui enracine». L’occasion aussi de citer une première fois Jean-Jacques Goldman, page 46: «aller n’importe où mais changer de paysage, ce sont les paroles d’une chanson».
Jean-Jacques Goldman encore lorsque Thomas Andrieu, l’amoureux de Philippe Besson se rend chez l’auteur pour la première fois, pages 74 et 75: «Aux murs, des posters de Jean-Jacques Goldman. Il me dévisage avec un froncement de sourcils, comme pour se moquer de moi. Il affirme que c’est de la variété pour les filles Goldman. Vexé, je réponds qu’il se trompe, qu’il devrait écouter attentivement les textes, qu’il y a cette chanson notamment qui s’appelle « Veiller tard« , où il évoque ces paroles enfermées que l’on n’a pas su dire, ces regards insistants que l’on n’a pas compris, ces appels évidents ces heures tardives, ces morsures aux regrets qui se livrent à la nuit.»
Thomas Andrieu a lui des goûts plus rock, page 75: «Il écoute Téléphone. Je ne lui objecte pas que les textes de Téléphone ont de l’importance, il prétendrait que je lui fais la leçon.»
L’auteur a encore envie d’argumenter, de défendre son chanteur préféré, page 75 «Si je l’avais su à ce moment là, j’aurais pu lui dire que Duras raffolait de « Capri c’est fini« ».
Philippe Besson va même puiser des arguments dans ses références cinématographiques, pages 75 et 76: «J’aurais pu lui parler aussi de ce que François Truffaut fait dire au personnage interprété par Fanny Ardant dans La Femme d’à côté; en plus je venais juste de voir le film: J’écoute uniquement les chansons parce qu’elles disent la vérité. Plus elles sont bêtes, plus elles sont vries. D’ailleurs, elles ne sont pas bêtes. Qu’est-ce qu’elles disent? Elle disent « Ne me quitte pas… Ton absence a brisé ma vie… » ou « Je suis une maison vide sans toi… Laisse moi devenir l’ombre de ton ombre… » ou bien « Sans amour on n’est rien du tout ».» Tout le monde aura reconnu la première référence, Ne me quitte pas, de Jacques Brel.
Les autres sont peut-être moins évidentes, mais il y a, dans l’ordre, Reviens par Fragson (reprise notamment par Ray Ventura et Tino Rossi)
Puis Sans toi par Corinne Marchand
Avant de revenir à Jacques Brel
Et de terminer avec La goualante du pauvre Jean d’Edith Piaf (reprise notamment par Yves Montand)
Jean-Jacques Goldman revient dans une scène assez leste, page 79: «Devant mes yeux un poster de Goldman, tout autour de moi le décor d’une chambre d’adolescent, un adolescent que je suis en train de tuer.»
La rivalité continue entre l’auteur et son amoureux, page 95: «Il place les écouteurs de son Walkman sur mes oreilles, il veut que j’écoute du Bruce Springsteen».
Philippe Besson n’a de goût ni pour les célébrations, ni pour les réunions. Il doit portant participer à un mariage, page 102: «Sur les coup des onze heures, des quadragénaires avinés s’étaient mis à se trémousser au son de « La Danse des canards » pendant que des veuves sas âge les contemplaient avec un sourire béat.»
L’auteur est conscient de l’univers sonore dans lequel baignent ces années-là, pages 104 et 105: «La bande son est à l’unisson: on danse sur « Wake Me up Before You Go-Go » des Wham ou « Footloose » de Kenny Loggins, on connaît par cœur les paroles de « Toute première fois » de Jeanne Mas, on s’embrasse sur « Time After Time » de Cindy Lauper. Et, jetant une mélancolie inattendue mais bienvenue, quelqu’un passe « 99 Luftballons » de Nena.
Deux références musicales encore lorsque Philippe Besson rappelle les événements qui ont marqué cette année 1984. A commencer par une première politique, page 116: «Jean-Marie Le Pen fait pour la première fois « L’heure de vérité« . Il pénètre dans le studio d’Antenne 2 aux côtés de François-Henry de Virieux sur la musique de « Live and Let Die » de Paul McCartney, avec l’air de celui qui a déjà gagné.»
L’auteur évoque enfin un autre épisode politique, britannique celui-là. page 117: «Les mineurs débutent leur grève en Grande-Bretagne. On ne sait pas encore qu’elle va durer un an, faire plusieurs victimes, inspirer The Clash, que les grévistes retourneront au travail sans avoir rien décroché, que Margaret Thatcher va obtenir la peau du mouvement ouvrier.» On peut ajouter que cette grève a été l’occasion pour les musiciens de The Clash de donner deux concerts au profit des mineurs, les 6 et 7 décembre 1984 à la Brixton Academy de Londres. Le mouvement de protestation a d’ailleurs été le thème de chansons pour de nombreux groupes de musique.
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«Arrête avec tes mensonges». par Philippe Besson, Editions Julliard – Voix de Plumes
«Arrête avec tes mensonges», par Philippe Besson, éditions 10/18 – Voix de Plumes