[RENTREE AUTOMNE 2018] 1937. Alberto Giacometti est profondément blessé par une phrase de Jean-Paul Sartre, jeune philosophe en passe de publier son premier roman. Cette phrase lui a été répétée par Isabel, son amoureuse avec qui il s’apprête à rompre au moment ou une voiture américaine, conduite par une Américaine, lui fonce dessus. «Il lui est ENFIN arrivé quelque chose» commente Sartre. Furieux, Giacometti décide de casser la gueule à l’écrivain. Tout le très beau roman de Jérôme Attal s’articule autour de ce désir de vengeance. Le sculpteur piste Sartre, le manque sans cesse, mais rencontre des femmes. Séducteur dans l’âme, Giacometti courtise les infirmière de l’hôpital, en particulier celle qui ressemble à Bianca rencontrée à Maloja lors de vacances d’été. Elle avait seize ans. Et puis il y a Julia, que Giacometti sauve de la bastonnade administrée par un groupe de nazillons. La belle et mystérieuse Julia, toujours en instance de départ pour l’Amérique.
A partir du désir de vengeance de Giacometti, Jérôme Attal trace une image précise, fine et perspicace du Paris de la fin des années trente. Il jette sa lumière sur un Giacometti très créatif, mais pas encore reconnu, soutenu par son frère Diego. Le jeune Sartre n’est pas encore le grand philosophe juché sur son tonneau, mais il vit déjà entre Simone de Beauvoir et la jeune Olga. La traque que mène Giacometti nous conduit dans un Paris décrit à merveille, de la rue Delambre à l’appartement de François Mauriac, en passant par le bas-Montmartre, le Sphinx, célèbre lupanar que fréquente régulièrement le sculpteur, ou encore La Closerie des Lilas.
Jérôme Attal parvient à nous faire ressentir l’impérieux besoin d’éprouver la vie qui anime Giacometti, loin de ses montagnes grisonnes. Un besoin assouvi dans les bras des femmes ou dans la création de ces petits personnages sculptés, modelés, parfois au moyen d’un simple feuille de papier journal. L’écriture est ponctuée de références à Kierkegaard ou Cocteau notamment. Et quelques phrases sont décochées comme autant de flèches en pleine poitrine : «Une tête, ça passe son temps à se composer un visage», «Des plaies insistantes dont on a du mal à guérir, celles d’amour-propre sont les plus coriaces» ou encore «On se contente toujours de soi et on ne se satisfait jamais des autres». Un roman plaisant, entraînant et fort bien documenté.
37, étoiles filantes, par Jérôme Attal, éditions Robert Laffont, 2018, 312 pages
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