Nina Simone, par David Brun-Lambert, éditions Flammarion

30 juillet 2017

A force de croiser ses chansons dans de nombreux romans (à commencer par En attendant Bojangles d’Olivier Bourdeaut), j’ai voulu en savoir davantage sur Nina Simone. Ce d’autant plus que je savais qu’elle avait vécu à Genève, au Lignon semble-t-il, dans le dénuement, et que je l’avais croisée dans le hall d’un hôtel montreusien, visiblement déboussolée, en marge du Montreux Jazz festival.

Je me suis donc plongé dans l’excellente biographie publiée par mon confrère David Brun-Lambert chez Flammarion en 2005, biographie qui fait encore référence, quatorze ans après la disparition de la diva. L’ouvrage de David Brun-Lambert permet de comprendre toutes les dimensions de Nina Simone, née Eunyce Waymon à Tryon, petite ville de Caroline du Nord. Très vite initiée au piano, Eunyce bénéficie du soutien de sa professeure qui détecte rapidement un talent majuscule. Afin d’aider la fillette à progresser, un fonds de soutien est créé, chose rare dans cette Amérique ségrégationniste, fonds qui doit permettre à la jeune artiste de réaliser le rêve de sa mère et de sa professeure de piano: devenir la première concertiste classique noire au monde. Eunyce, pour qui Bach et Mozart n’ont plus de secrets, passe le concours d’admission du Curtis Institut, mais elle est recalée. La ségrégation est passée par là.

Eunyce doit donc gagner sa vie. Elle donne des cours de piano et vivote au jour le jour. Durant l’été, elle accepte d’aller jouer dans un club d’Atlantic City les chansons populaires qu’elle enseigne à ses jeunes élèves. Pour éviter que sa mère, pasteur reconnue, ne l’apprenne, elle se choisit un pseudonyme: Nina Simone. C’est le début d’une carrière faite de hauts et de bas. David Brun-Lambert éclaire le parcours tortueux de cette artiste hors normes, devenue chanteuse par obligation. Premiers disques, premiers concerts, premiers succès.

Eunyce épouse Andy Stroud, un flic de Harlem qui devient son manager, bien davantage que son mari. Lisa, fille unique de Nina Simone, naîtra tout de même de cette union. Sous la houlette d’Andy, Nina Simone vit ses plus belles années de carrière. Mais les choses se gâtent rapidement, la faute en grande partie au caractère, aux sautes d’humeur de Nina Simone, qui souffre de troubles psychiques de plus en plus importants au fil du temps. Riche et adulée, puis ruinée et solitaire, Nina Simone suit un parcours de vie spectaculaire. Militante du Mouvement pour la reconnaissance des droits civiques, tendance Malcolm X plutôt que Martin Luther King, elle harangue le public de ses concerts et l’incite à prendre les armes.

C’est Miriam Makeba, qu’on ne surnomme pas Mama Africa pour rien, qui fait découvrir l’Afrique à Nina Simone, en particulier le Liberia. On peine à imaginer que Nina Simone y ait réellement vécu les aventures décrites par David Brun-Lambert. Le Liberia donc, puis les ennuis avec la justice américaine, l’inexplicable refuge en Suisse, à Prangins, puis à Genève. La Hollande aussi, au moment où Nina Simone revient sur le devant de la scène grâce à une publicité pour le parfum Chanel No 5 qui utilise la chanson My Baby Just Cares For Me. Un passage par la Barbade, lui aussi ponctué d’aventures invraisemblables, puis ce sont les dernières années de la vie de Nina Simone, dans le sud de la France, Bouc-Bel-Air d’abord, puis Carry-le-Rouet.

David Brun-Lambert nous fait comprendre l’ampleur du talent pianistique de Nina Simone, mais aussi les douleurs, la tristesse et la solitude que sa voix était capable de transcrire. Il démontre également à quel point Nina Simone est un héritage et une source d’inspiration pour une large frange des musiciens d’aujourd’hui. Passionnant!

Nina Simone, par David Brun-Lambert, éditions Flammarion, 2005, 369 pages

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