Je suis mort un soir d’été, par Silvia Härri, Bernard Campiche éditeur, coup de cœur lettres frontière 2017
CRITIQUE , PRIX LITTERAIRES , ROMAN / 31 octobre 2017

Une petite fille qui ne joue plus à la balle, qui ne court plus, qui vous regarde un jour comme un étranger et qui finit par perdre la parole. La faute à la pieuvre qui s’est emparée de Margherita. Dès lors, privé de sa sœur, Pietro Cerretani apprend à jouer seul, à ne plus attendre le baiser du soir de son père. Un père qui n’affrontera jamais la pieuvre, ne l’assumera pas. Une mère qui se bat pour garder, puis pour ramener Margherita à la maison. Le couple des parents n’y résistera pas. Margherita est le secret de Pietro. On ne parle pas de ces choses-là! Pour tout le monde, Pietro est fils unique: «J‘ai 25 ans, je suis fils unique et qu’on ne vienne pas m’emmerder avec des questions indiscrètes sur ma famille.» Pourtant, lorsque Pietro noue des liaisons amoureuses, vient forcément le temps de parler de la famille, de la présenter. Que d’échecs provoqués par l’incompréhension de cette non rencontre, pour celles qui ne se sentent pas dignes d’être présentées… Pietro va marcher sur les traces de son père dont il condamne pourtant la lâcheté. Il quitte sa Toscane natale pour Genève: «Un matin, je suis descendu acheter…

Amarres, par Marina Skalova, éditions L’âge d’homme
CRITIQUE , RECIT / 3 juillet 2017

Avant ce récit, Marina Skalova n’a publié qu’un recueil de poésie. Et ce nouveau texte en est tout imprégné. Ce qui frappe d’emblée, c’est le rythme et le souffle de chaque phrase. Un rythme qui se déstructure en fin de récit pour imposer plus violemment encore au lecteur les ultimes émotions. Ce récit est un conte. Il nous raconte l’histoire de ce navigateur qui débarque sur une île qui n’est jamais nommée, mais qui pourrait être la Suisse. Une île dont il  a étudié les coutumes et appris la langue. La méfiance est popurtant au rendez-vous et l’intégration difficile, quasi impossible. Un artisan pourtant lui cède son atelier-logis, désireux de prendre la mer et de partir découvrir le monde. Malgré tout, le narrateur ne trouve pas sa place dans la communauté, se marginalise, achète ses provisions presque clandestinement. Pourtant un jour, un habitant qui a voyagé, vu d’autres contrées, l’invite à partager un repas. Le narrateur le quittera pourtant avec un sentiment étrange, un malaise. La pluie tombe abondamment et la tempête fait rage. Puis certains autochtones tombent malade et meurent. Le narrateur de ce très beau récit est confronté au refus de l’altérité, à la méfiance, au rejet et…

Livret de famille, par Magyd Cherfi, Editions Actes Sud
CRITIQUE , RECIT / 21 mars 2017

Il est particulièrement intéressant de relire Livret de famille, treize ans après sa parution. Premier livre de Magyd Cherfi qui s’est, depuis, retrouvé sur la liste du Goncourt avec Ma part de Gaulois, ce récit lançait des alertes, deux ans après l’accession de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle française. Magyd Cherfi y exprime le déchirement et le rejet avec sensibilité et justesse. Déchirement de ceux qui se sentent Gaulois mais qui vivent dans une communauté où la religion musulmane est omniprésente, bien que pratiquée, ou non, à des degrés très divers. Rejet de ladite communauté pour les progressistes, rejet de la France pour les conservateurs. Une image est particulièrement parlante. Elle concerne le match de football France-Algérie. Je criais Algérie, mais je pensais France, confie l’auteur. «Ah ! Voltaire et Rousseau ! Quand on a lu ces mecs, on s’en remet pas. En assassinant Dieu, ils nous avaient fait naître une seconde fois». L’auteur convoque donc Voltaire et Rousseau pour revendiquer le droit à l’athéisme. Le rapport à la femme est également abordé avec beaucoup de franchise, et le chapitre intitulé Autobus impérial en dit davantage que toutes les théories fumeuses sur l’intégration. Au moment où paraît ce…