Relever les déluges, par David Bosc, éditions Verdier
CRITIQUE , NOUVELLES , RECIT / 12 août 2017

C’est aux Illuminations de Rimbaud que David Bosc emprunte le titre générique de ces quatre nouvelles que l’auteur préfère d’ailleurs appeler des récits. Quatre récits pour quatre personnages. Frédéric II de Hohenstaufen d’abord, à qui Guillaume de Capparone «fait l’infamant cadeau de la liberté (car personne n’en veut, à cette heure, et le mot lui-même ne fait rêver que les fous).» Honoré Mirabel ensuite, paysan du Pertuis qui s’invente la découverte d’un trésor, ce qu’il fait croire autour de lui. Le leurre lui procure une liberté dont il sait qu’il devra payer le prix fort en cette année 1729. Miguel, homme de La Mancha, vit en 1938 et s’engage pour lutter contre les fascistes espagnols. Mais lorsque la liberté pour laquelle il se bat vient à manquer au sein de ses propres rangs, il choisit la montagne et la forêt. Denis, enfin, est proche d’un groupuscule anarchiste dans le Marseille des années 1980. Proche ne signifie pas inclus. Et c’est bien là le point commun à ces quatre personnages qui font, en pionniers et en solitaires, l’expérience de la liberté, ce bien dont personne ne veut. Ce court recueil, qui se promène à travers les siècles, dit aussi beaucoup du…

Trois jours chez ma mère, par François Weyergans, éditions Folio, prix Goncourt 2005
CRITIQUE , PRIX LITTERAIRES , ROMAN / 31 juillet 2017

«Les histoires, on s’en moque, il y en a plein les journaux» disait Céline. Et donc, on se moque bien de l’histoire de ce roman, couronné par le prix Goncourt en 2005. De quoi s’agit-il en réalité? D’une incroyable mise en abîme, de matriochkas. François Weyergans raconte l’histoire d’un écrivain, François Weyergraf, qui ne parvient pas à terminer un roman intitulé Trois jours chez ma mère, et dont il nous livre les trois premiers chapitres. Chapitres qui racontent l’histoire d’un écrivain, François Graffenberg, qui ne parvient pas à terminer son roman, qui a pour titre… «Je me disais qu’on écrit que pour sa mère, que l’écriture et la mère ont partie liée» écrit Weyergans. Et nous voilà au nœud du problème. Comment se confronter à l’écriture, comment vivre avec elle au quotidien? Les François écrivent, dans le train ou ailleurs, dans leur tête souvent, en de permanentes digressions qui nous mènent du Québec à Manosque en passant par la Suisse ou le Japon. François Weyergans n’étale pas son érudition, qui est pourtant grande. Il la distille, ou plutôt, il l’instille. Paysages, cinéma, littérature, religion, antiquités, tout est bon, matière à malaxer pour le but ultime: écrire, encore et toujours. Philippe…

Littoral, par Bertrand Belin, P.O.L éditeur
CRITIQUE , ROMAN / 19 janvier 2017

Sur la page de garde de Littoral, il est écrit: Roman. Mais c’est un conte que nous offre Bertrand Belin. Un conte où l’on retrouve la très belle écriture de ses chansons, sur une distance plus longue. Une écriture qui jubile à explorer le champ lexical des bateaux et de la pêche, des poissons et des oiseaux. Trois hommes en mer: l’autre en rouge, le plus jeune et le troisième homme. Tout commence avec la découverte d’un cormoran qui s’est pris dans le filet de pêche, y a laissé la vie. Avec talent, Bertrand Belin instille une peur sournoise dans la narration. Qui a pu apercevoir les trois hommes sur leur embarcation? Petit à petit, le lecteur se rend compte que les trois protagonistes vivent en dictature, une dictature où «l’armée d’un pays» fait régner l’ordre. Sur le bateau, le plus jeune s’endort à la barre. C’est la collision, heureusement sans dommage. Mais pour le punir, l’autre en rouge le dépose sur une bouée d’où le plus jeune devra lancer ses filets, et l’abandonne là, sans que le troisième homme ne s’y oppose. L’occasion pour le plus jeune d’éprouver la solitude, mais aussi la liberté et la conscience de son…