Val de Grâce, par Colombe Schneck, éditions J’ai Lu
CRITIQUE , ROMAN / 31 décembre 2017

Toujours passionnée par son histoire familiale, Colombe Schneck raconte, dans ce court roman, l’appartement du Val de Grâce où elle a vécu les vingt-trois plus belles années de sa vie, vingt-trois ans d’un bonheur sans tache. Mais c’est aussi l’appartement où meurt Hélène, sa mère, alors que l’auteure a trente-six ans. De cet appartement, Colombe Schneck connaît chaque recoin, chaque éraflure du parquet, chaque meuble, chaque objet. Lieu de tous les bonheurs de l’enfance, Val de Grâce est aussi le symbole de la fin d’une époque, de la fin de l’insouciance, de cette enfance préservée du poids de la Shoah. L’appartement ne protège plus des blessures et des douleurs, il en est le centre avec la disparition d’Hélène. Il y a quelque chose des Enfants terribles de Jean Cocteau dans ce roman, l’esprit de la roulotte peut-être. Mais il y a aussi le voisin célèbre, la découverte de la double vie du père volage, le poids d’un passé dont les enfants ont été si longtemps préservés. Comme dans chacun des livres qu’elle consacre à son histoire familiale, Colombe Schneck y montre surtout à quel point elle a été aimée par un père capable de tout pour étonner ses enfants: «Le…

Les absents, levez le doigt!, par Pierre Bénichou, éditions Grasset
CRITIQUE , ESSAI , SOUVENIRS PERSONNELS / 15 septembre 2017

Une fois n’est pas coutume, je vais beaucoup vous parler de moi en parlant du magnifique livre de Pierre Bénichou, le premier qu’il publie, à l’âge de 78 ans. Pierre Bénichou a aujourd’hui une image de people, d’amuseur public. La faute aux Grosses Têtes dont il est l’un des piliers. Mais Pierre Bénichou a longtemps été rédacteur en chef du Nouvel Observateur. Et c’est dans les pages de l’hebdomadaire qu’il a initialement publié les textes ici rassemblés sous ce beau titre : Les absents, levez le doigt ! Vingt-six. Vingt-six doigts levés. Vingt-six textes pour dire adieu. La nécro, comme on dit dans les rédactions, est un exercice difficile, je n’en ai signées que fort peu en presque quarante ans de métier : Bob Marley (que je n’ai ni connu ni même rencontré), Bernard Grobet, patron emblématique du Griffin’s Club (j’aurais des dizaines d’histoires à raconter à son sujet) et Claude Richoz, mon père professionnel, inoubliable rédacteur en chef de feu le quotidien La Suisse. Pierre Bénichou signe donc vingt-six nécrologies de personnages, de personnalités qu’il a connues, fréquentées et dont la plupart étaient des amis. De A comme Aragon à V comme Ventura, il enterre avec affection et une plume superbe quelques…

Louis Soutter, probablement, par Michel Layaz, Editions Zoé
BIOGRAPHIE , CRITIQUE , ROMAN / 14 février 2017

Il faut une sensibilité hors du commun pour réussir ce que Michel Layaz atteint à la perfection avec Louis Soutter, probablement. Et toute la finesse de l’exercice réside dans ce «probablement». Biographie romancée du peintre et violoniste suisse, l’ouvrage respecte scrupuleusement le parcours de vie de Louis Soutter. Violoniste de talent, marié à Madge, et vivant à Colorado Springs, Soutter est victime de troubles qui pourraient s’apparenter au syndrome de Stendhal lorsque son jeu de violon atteint un seuil d’émotion insupportable. «Les êtres singuliers et leurs actes asociaux sont le charme d’un monde pluriel qui les expulse». Ainsi Jean Cocteau définit-il ses Enfants terribles. La phrase sied à Louis Soutter aussi bien qu’un de ces costumes à la coupe impeccable qu’il affectionnait tant. Tellement expulsé Louis Soutter qu’il se retrouve à l’asile. Pas chez les aliénés, non, mais parmi ceux qui ne parviennent pas à subvenir à leur besoins, à survivre seuls dans la vie que l’on qualifie, souvent à tort, de normale. A l’asile de Ballaigues, Soutter renoue avec le dessin qu’il avait pratiqué et enseigné aux Etats-Unis. Mais son art prend une toute autre dimension dans la chambre de l’asile. Le lecteur suit Louis, vit avec Louis, marche…