Dans ces quinze nouvelles, Laura Kasischke emmène son lecteur par la main, jusqu’au bord de l’abîme. Puis le lâche. A lui de faire le reste du boulot. Dans l’Amérique de l’après 11 septembre ou de la crise des subprimes, un destin banal peut basculer d’un instant à l’autre : lorsque votre second mari percute et tue un jeune cycliste au carrefour près de la maison, lorsqu’un inconnu vous aborde à l’aéroport et vous demande de transporter pour lui un colis jusque dans le Maine, lorsque le père de votre fille, dont vous êtes sur le point de divorcer, se pointe les bras chargés de cadeaux. C’est le portrait de l’Amérique profonde que trace l’auteure. Pas de personnage hors du commun, pas de héros ni de tête brûlée dans ces pages. Rien que des gens qui traînent leur vie comme un boulet, dans la monotonie, celle du couple en particulier. En trois pages, Laura Kasischke est capable de vous faire entrer dans son univers, de vous mettre sous le nez la vie d’un semblable. Ces quinze nouvelles finissent souvent en l’air, comme on le dirait d’une phrase sans point final. Et c’est là tout leur intérêt. Le lecteur ne peut rester sur…
A l’occasion de la sortie du beau roman de Grégoire Delacourt en poche, je vous en repropose la critique. «Delacourt, c’est une sacrée bonne femme.» La déclaration est de l’auteur lui-même, référence à la Jocelyne de La liste de mes envies. Elle s’applique parfaitement à Emmanuelle, personnage central de Danser au bord de l’abîme. Ce roman tient à la fois de Madame Bovary (Emmanuelle est appelée Emma par tout le monde, sauf par sa mère) et de La Chèvre de Monsieur Seguin dont Grégoire Delacourt nous restitue le texte original (une lettre à Pierre Gringoire, poète lyrique parisien) en fin de roman. Danser au bord de l’abîme est le roman du désir, celui qui surprend Emma à la Brasserie André lorsqu’elle voit un homme s’essuyer la bouche avec une serviette de coton damassé. Un désir si fort, si vrai, si immédiat, si évident, qu’elle lui fera quitter Olivier, son mari, Manon, Louis et Léa ses enfants. Danser au bord de l’abîme n’est par le roman du désamour, mais bien celui du désir plus fort que tout. Grégoire Delacourt est obsédé par l’instant présent, celui qui permet de saisir sa chance, de faire basculer sa vie, de donner une chance au…
«Delacourt, c’est une sacrée bonne femme.» La déclaration est de l’auteur lui-même, référence à la Jocelyne de La liste de mes envies. Elle s’applique parfaitement à Emmanuelle, personnage central de Danser au bord de l’abîme. Ce roman tient à la fois de Madame Bovary (Emmanuelle est appelée Emma par tout le monde, sauf par sa mère) et de La Chèvre de Monsieur Seguin dont Grégoire Delacourt nous restitue le texte original (une lettre à Pierre Gringoire, poète lyrique parisien) en fin de roman. Danser au bord de l’abîme est le roman du désir, celui qui surprend Emma à la Brasserie André lorsqu’elle voit un homme s’essuyer la bouche avec une serviette de coton damassé. Un désir si fort, si vrai, si immédiat, si évident, qu’elle lui fera quitter Olivier, son mari, Manon, Louis et Léa ses enfants. Danser au bord de l’abîme n’est par le roman du désamour, mais bien celui du désir plus fort que tout. Grégoire Delacourt est obsédé par l’instant présent, celui qui permet de saisir sa chance, de faire basculer sa vie, de donner une chance au bonheur. Avec Emma, il brise aussi un tabou: il est moins facile de comprendre et d’accepter d’une femme qu’elle…