«Delacourt, c’est une sacrée bonne femme.» La déclaration est de l’auteur lui-même, référence à la Jocelyne de La liste de mes envies. Elle s’applique parfaitement à Emmanuelle, personnage central de Danser au bord de l’abîme. Ce roman tient à la fois de Madame Bovary (Emmanuelle est appelée Emma par tout le monde, sauf par sa mère) et de La Chèvre de Monsieur Seguin dont Grégoire Delacourt nous restitue le texte original (une lettre à Pierre Gringoire, poète lyrique parisien) en fin de roman.
Danser au bord de l’abîme est le roman du désir, celui qui surprend Emma à la Brasserie André lorsqu’elle voit un homme s’essuyer la bouche avec une serviette de coton damassé. Un désir si fort, si vrai, si immédiat, si évident, qu’elle lui fera quitter Olivier, son mari, Manon, Louis et Léa ses enfants. Danser au bord de l’abîme n’est par le roman du désamour, mais bien celui du désir plus fort que tout.
Grégoire Delacourt est obsédé par l’instant présent, celui qui permet de saisir sa chance, de faire basculer sa vie, de donner une chance au bonheur. Avec Emma, il brise aussi un tabou: il est moins facile de comprendre et d’accepter d’une femme qu’elle quitte son mari et surtout ses enfants, que si c’est l’homme qui s’en va. Ce roman passe aussi le couple au scanner. Emma et Olivier ont traversé les épreuves, surmonté les obstacles. Olivier a même vaincu la maladie. Mais l’inconnu de la Brasserie André va révéler les blessures enfouies d’Emmanuelle: blessure intime, promesses non tenues, disparition de la joie qu’entraînaient notamment les joutes verbales avec Olivier autour des mots du vin. Mimi et Jacques forment un autre couple qui démontre que le bonheur n’est pas toujours pour demain. Sophie et Maurice enfin, qui font projet commun même si Maurice n’est pas beau.
Avec Grégoire Delacourt, la vie est un opéra, avec ses tensions et ses détentes. Avec ses sentiments exacerbés surtout. La musique joue un rôle prépondérant dans ce beau roman. Mais le vrai sujet en reste la liberté, dont Emma va découvrir le prix, très élevé, mais qu’elle assume. Parce qu’elle sait que la liberté n’a de valeur que parce qu’on peut la perdre.
Danser au bord de l’abîme, par Grégoire Delacourt, éditions JC Lattès, 2017, 360 pages.
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