Les mots de la tribu, par Nicolas Tavaglione, éditions Labor et Fides

11 juin 2018

A l’heure où les éléments de langage ont pris le pas sur les éléments de pensée dans le discours public, Nicolas Tavaglione fait œuvre de salubrité en publiant Les mots de la tribu, son abécédaire philosophique. Il emprunte son titre à un poème de Stéphane Mallarmé: «Donner un sens plus pur aux mots de la tribu». Et il est vrai que l’auteur débarrasse nombre de mots de leurs scories.

Amour est une belle entrée en matière. En bon philosophe, Nicolas Tavaglione s’interroge sur ce qu’est l’amour. Et se fondant sur la philosophie contemporaine, il en esquisse trois théories. Le lecteur pourra se reconnaître dans chacune d’elle. Et c’est là que ce livre utile atteint son but. Utile? Qu’est-ce qui est utile? Nicolas Tavaglione se penche également sur la question en nous exposant la science chiffrée du choix. Et pose la question du prix d’une vie humaine. Mais faut-il traiter l’être humain comme une marchandise? Le calcul se heurte à la morale et la conclusion de l’auteur nous enchante: «Nous terminons donc le voyage avec ce conseil de prudence: les mots, comme notre foie, doivent faire l’objet de tous nos soins.»

Les mots de la tribu nous offre cinquante-cinq notules. Certaines ont été écrites pour la chronique philosophique que Nicolas Tavaglione a tenu des années durant dans les pages du magazine Profil. D’autres sont venues compléter l’ensemble présenté dans l’ordre alphabétique. Un ordre qui fait bien les choses puisque se succèdent école, enfant et famille, une triple occasion de s’interroger sereinement sur des sujets qui agitent émotionnellement le débat médiatique. Mais il est question de beaucoup d’autres choses dans ce livre, détonateur de la pensée: beauté, drogue, galimatias, justice, liberté, œuvres d’art, Paris Hilton, terrorisme, wifi ou zadistes sont autant d’occasions de réfléchir un peu plus loin que le bout de son nez.

Nicolas Tavaglione parvient à ramasser ses réflexions en quelques pages (merci la contrainte journalistique à 4500 signes) et à les exprimer dans un vocabulaire accessible. Les mots de la tribu est donc à la fois un livre grand public et un ouvrage de référence. Les philosophes cités sont en effet nombreux, avec une prédilection pour les penseurs anglo-saxons, David Hume en particulier.

Une belle réussite qui constitue une sorte de bréviaire de la pensée contemporaine, le plus souvent en marge du politiquement correct, et c’est tant mieux.

Les mots de la tribu, un abécédaire philosophique, par Nicolas Tavaglione, éditions Labor et Fides, 2018, 257 pages

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