La zone des murmures, par Natacha Nisic, Tohubohu éditions

17 septembre 2017

[RENTREE AUTOMNE 2017] C’est à un voyage que nous convie Natacha Nisic. Un voyage dans les Alpes de Haute-Provence, dans le passé et dans les traumatismes de l’enfance.

Franck décroche un poste dans une agence Web. Surpris par l’aspect vieillot des locaux et par l’accumulation de paperasse dans tous les coins, il s’installe pourtant au sous-sol avec ses nouveaux collègues: Lu, le développeur chinois, Othy, l’expert SEO marocain et la séduisante Lise, en charge des RS. On se parle peu au sein de l’agence, mais on travaille beaucoup sous les ordres de l’Autre, surnom du patron, véritable Big Brother qui scrute la vie professionnelle et intime de ses employés. Projet majeur de l’agence: la mémoire inversée. Un logiciel qui doit permettre de maintenir en vie virtuelle ces chers disparus. «La Web Agency était une vaste entreprise de spiritisme.»

La pression est forte à l’agence. Les heures supplémentaires ne se comptent pas et ne sont naturellement pas rémunérées. Lise et Franck, qu’elle appelle désormais Frankie, décident de passer un week-end déconnecté dans les Alpes de Haute-Provence. Pas de téléphone, pas d’ordinateur, pas de GPS. De toute façon, ils seront en zone blanche.

Deux narrateurs pour ce roman original. Lise nous détaille le voyage alpin et Frankie ausculte la vie de l’agence dans la première partie du roman, les secrets de son enfance ensuite. Très vite, le lecteur découvre que l’itinéraire choisi par Frankie ne doit rien au hasard. Il roule et marche en réalité sur les traces de son passé, de son enfance entre un père trop tôt emporté par un chauffard et une tante carriériste, abandonné par une mère dévorée par la mélancolie.

Le lecteur est parfois déstabilisé par cette histoire à la temporalité incertaine, aux événements qui tiennent de l’heroic fantasy, voire de la SF. La rencontre de sœurs jumelles de cent-vingt-quatre ans, la présence d’un observatoire astronomique maudit, ce week-end dans les Alpes ressemble à un véritable cauchemar.

Je suis souvent resté sur ma faim en lisant la fin des romans. Avec La zone des murmures, c’est à un festin qu’est convié le lecteur. La surprise est totale. Et pourtant, à bien y réfléchir, les indices étaient là. Parvenu à ce point de basculement (presque) final, le lecteur n’a qu’une envie: tout relire pour mieux identifier les pistes proposées par Natacha Nisic. D’une écriture sèche, rapide, nerveuse, l’auteure explore les dérives de l’entreprise innovante, les traumatismes de l’enfance, l’exode rural de la France profonde, les dangers du monde hyperconnecté ou encore les pratiques amoureuses de la génération Y.

Un roman efficace et surprenant pour nous rappeler que La zone des murmures n’est pas dépourvue de dangers.

La zone des murmures, par Natacha Nisic, Tohubohu éditions, 2017, 293 pages

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