Heureux hasard, cette lecture intervient tout de suite après celle de La Cheffe, roman d’une cuisinière, de Marie Ndiaye. La vie aveugle de Loïc Merle, traite en fait du même sujet. Pourquoi les artistes créent-ils? Pour qui? Qu’en est-il des honneurs et de la reconnaissance? La vie aveugle est à la croisée du roman et de l’essai. Divisé en deux parties, ce livre tient de la sainte colère, de l’appel au secours. La première partie se penche sur l’autoportrait en véronèse de Van Gogh. Le narrateur entend littéralement la voix du peintre et l’auteur nous raconte le parcours de cette toile d’abord offerte à Gauguin puis notamment montrée lors de l’exposition itinérante organisée par les nazis et consacrée à l’art dégénéré. Loïc Merle va même jusqu’à imaginer Samuel Beckett en visiteur de cette exposition. La deuxième partie, beaucoup plus romanesque, est écrite d’un seul trait de plume sur près de 140 pages, sans paragraphes, comme si l’intégralité de l’écriture, et donc de la lecture, ne souffrait aucun répit. Le narrateur y rencontre Auguste Strahl, le plus grand peintre de ce début de siècle, peintre visiblement né de l’imagination de Loïc Merle. Strahl reçoit le narrateur dans sa ville d’adoption, le…
Vera Michalski et toute son équipe fêteront le 30e anniversaire des éditions Noir sur Blanc, le lundi 3 avril 2017 à partir de 18h30 au Théâtre de Vidy à Lausanne, soirée que j’aurai le plaisir et l’honneur d’animer. Au programme : des lectures, de la musique, des projections, des illustrations en live… et d’autres surprises ! Retrouvez sur scène les auteurs de Noir sur Blanc venus de toute l’Europe, accompagnés par les musiciens du groupe Oh ! Oui : Niels Ackermann, Nicolas Bokov, Mikhaïl Chichkine, Dominique de Rivaz, Serhiy Jadan, Dorota Masłowska, Giles Milton, Louis-Bernard Robitaille, Anthony Sattin, Maurice Schobinger, Jil Silberstein, Olga Tokarczuk, Fanny Vaucher, Mariusz Wilk… Soirée animée par Pascal Schouwey. Photographe : Wiktoria Bosc. Hotegezugt – musique Klezmer.
Marie Ndiaye est une styliste, c’est indiscutable. Elle le prouve une fois de plus avec La Cheffe, roman d’une cuisinière. Le livre retrace la vocation, l’ascension et la chute d’une modeste employée de maison appelée à remplacer la cuisinière de la famille bourgeoise qui l’emploie La confection de son premier repas nous est contée par le menu, sans omettre le moindre détail, sur des dizaines de pages. Puis la Cheffe occupera son premier emploi dans un restaurant de Bordeaux avant d’ouvrir son propre établissent, la Bonne Heure. Toute l’histoire est narrée par son plus dévoué, son plus attentif et son plus amoureux employé qui, au moment de nous parler de son idole, a pris sa retraite à Lloret de Mar, station balnéaire catalane où il attend sa fille, Cora. Le roman pêche précisément par ce qu’il dénonce. La Cheffe se bat contre le clinquant, l’inutile, le superflu. Elle cherche à donner aux produits leur dignité, leur vraie valeur, leur vraie saveur. Elle fuit les honneurs et les compliments. Le roman pourrait d’ailleurs fort bien être une métaphore du métier d’écrivain. Marie Ndiaye y fait brièvement allusion : «Il m’arrive d’oublier, quand je m’adresse à vous, quand je pense à la…
Avec Chaleur, Joseph Incardona nous raconte donc l’histoire des deux finalistes des quatre dernières éditions du Championnat du Monde de Sauna, la quatrième et dernière faisant l’objet du roman. Un titre va jouer un rôle très important dans la dernière partie du roman, il va même accompagner l’action jusqu’à son point culminant. Ce titre apparaît dès la page 54: «Il monte dans son pick-up, conduit pieds nus, en jeans et T-Shirt. Roule en écoutant AC/DC, allume une cigarette, cette chanson où il est question d’un type au cœur foudroyé par le corps des filles trop belles, il roule dans les méandres de la terre spongieuse de Finlande, là où le continent hésite entre la terre et l’eau, entre la nuit et le jour. Entre la solitude et l’abandon.» Joseph Incardona jette un regard sans concession sur la société du spectacle, ce monde où le bruit de fond prend toute la place aux mots. Page 70: «Autour d’elle, dans la lumière tamisée, des femmes chuchotent. Elle préférerait le calme mais, de toute façon, la musiquette en fond sonore Relaxing chill out s’échappant d’enceintes invisibles ajoute à la pollution sonore». Chaleur fait aussi monter la température au fil de quelques scène de…
Oui, il existe un Championnat du Monde de Sauna. Du moins a-t-il existé jusqu’en 2010. Joseph Incardona s’empare du sujet pour Chaleur, un roman qui n’a de léger que l’apparence. Niko Tanner, star du porno vieillissante, est le vainqueur des trois dernières éditions du Championnat. Igor Azarov, ancien militaire russe, est son éternel challenger. Le roman emmène le lecteur dans un sauna chauffé à blanc, 110 degrés, des qualifications auxquelles prennent part 102 concurrents, à la finale, qui se joue à cinq, dont Igor et Niko naturellement. Niko et Igor sont tous les deux à la fin d’un cycle et pressentent que ce Championnat du Monde sera le dernier. Niko enfreint le règlement en buvant de la vodka et en sniffant de la coke. Autant d’obstacles à sa préparation qu’il sacrifie à la douceur des bras et des cuisses de la jeune et belle Loviisa. Igor, lui aussi, bafoue le règlement, mais pour d’autres raisons et au moment où sa fille Alexandra, qu’il na pas vue depuis quinze ans, débarque à Heinola pour suivre la compétition. Chaleur est le roman de toutes les solitudes. Solitudes qui se côtoient, qui s’affrontent. Celle de Niko contre celle d’Igor. Celle de Loviina à…