Virgules en trombe, par Sarah Haidar, Apic éditions

23 septembre 2017

Après trois romans écrits en arabe, Sarah Haidar publie Virgules en trombe en 2013. Rédigé en français, ce «presque roman» reçoit le Prix des Escales littéraires d’Alger en 2013. Il donne surtout au lecteur à sentir, et presque à vivre, l’affrontement qui oppose sans trêve l’auteur aux mots, aux personnages, aux situations, à l’inspiration. Dédié «à la littérature, sublime salope sans scrupules…», Virgules en trombe change de narrateur, de sujet, de point de vue, à chacun de ses vingt-trois chapitres. Qui parle? L’auteur? L’un des personnages? Un autre narrateur? Qu’importe! Car ce qui compte dans cet OLNI (Objet littéraire non identifié), c’est la puissance des mots, l’extrême cruauté des situations. Ecrire est une torture, un viol subi, mais dont l’absence ou le retrait sont plus violents encore. Il y a du sexe, il y a du sang, il y a de la sueur dans ce «presque roman» organique, orgasmique et mental. Car pour Sarah Haidar, journaliste et romancière algérienne, il n’y a rien de confortable, ni rien d’agréable dans l’acte d’écrire. Sa langue est pourtant foisonnante, véritable matière brute de la pensée: «On peut tout voir dans un livre mais sans jamais pouvoir le toucher.»

Sarah Haidar rejoint Céline et Philippe Djian dans sa conception de la littérature: «On ne doit jamais rien raconter dans un livre! Tout ce que je sais est trop clair pour l’encre, trop blanc pour la feuille…» Est-ce à dire qu’il existe un fossé entre la littérature et la vie, entre la vie et la littérature? Sarah Haidar a son avis sur la question: «parce que l’écriture a cela de plus luxueux que la vie: elle n’a pas besoin de se réaliser!» Mais trois pages plus loin: «parce que la vie a cela de plus facile que l’écriture: elle n’a pas besoin des vivants pour se réaliser!» On ne peut plus lire de la même façon après avoir refermé Virgules en trombe. Et au cas où on aurait la tentation d’écrire, on se dit qu’il vaut mieux y réfléchir à deux fois.

Vous aurez de la peine à trouver ce livre chez votre libraire et même sur les sites de vente en ligne. C’est regrettable. Je ne serais jamais tombé sur ce livre si son éditeur ne me l’avait offert lors du dernier Salon du livre et de la presse de Genève. Je rêve qu’un éditeur français, suisse ou belge tombe sur ce texte incroyable et se décide à le publier en Europe, continent qui aurait tort de se priver d’un auteur de l’envergure de Sarah Haidar (je tiens à disposition de cet éditeur rêvé les coordonnées complètes de APIC éditions).

Virgules en trombe, par Sarah Haidar, APIC éditions, 2013, 147 pages

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