Top 5 des coups de cœur 2017
ACTUALITE / 16 janvier 2018

Au cours de l’année 2017, j’ai lu 80 romans, 21 essais, 12 recueils de poèmes, 4 recueils de chroniques, 4 biographies, 4 recueils de nouvelles, 4 récits, 2 albums jeunesse, 2 pièces de théâtre, 1 livre d’entretiens, 1 bande dessinée et un livre de photos, soit 136 ouvrages pour un total de 27’709 pages. Tous ne sont pas chroniqués sur ce blog. Mais j’ai eu envie de me livrer au difficile et subjectif exercice des coups de cœur de l’année écoulée. Il a donc fallu choisir, donc renoncer et par conséquent souffrir. Mais à l’arrivée, voici le classement de mes cinq coups de cœur de 2017. Le livre qui m’a le plus secoué en 2017 est celui de Gaëlle Nohant avec sa biographie romancée de Robert Desnos. Il y a les livres qui vous plaisent, ceux après la lecture desquels vous n’êtes plus tout à fait pareil et ceux qui vous ébranlent, profondément, durablement. Légende d’un dormeur éveillé est de ceux-là! Quel torrent d’amour pour Robert Desnos a-t-il fallu à Gaëlle Nohant pour tisser ce subtil roman biographique, le surpiquer de citations qui font toujours sens et éclairent le récit? Desnos n’a jamais adhéré à aucune chapelle, ni celle du…

Gazoline Tango, par Franck Balandier, Editions Le Castor Astral
CRITIQUE , ROMAN / 12 septembre 2017

[RENTREE AUTOMNE 2017] «L’humour est la politesse du désespoir» disait Boris Vian. «C’est qu’il évite d’en incommoder les autres. Il y a du tragique dans l’humour: mais c’est un tragique qui refuse de se prendre au sérieux. Il travaille sur nos espérances, pour en masquer les limites; sur nos déceptions, pour en rire; sur nos angoisses, pour les surmonter» ajoute André Comte-Sponville. Tout le roman de Franck Balandier tient dans ces deux définitions. Que nous est-il arrivé depuis le 11 juillet 1983, date de naissance de Benjamin Granger, son personnage? En reste-t-il des souvenirs, ou nous sommes-nous contentés d’en fabriquer, pour survivre? Il y a quelque chose du Vernon Subutex de Virginie Despentes chez Benjamin: cette façon d’être en marge tout en étant dedans. Gazoline Tango parcourt d’ailleurs, à peu de choses près, la même période que la trilogie Subutex, des années 80 à nos jours. Mais là où Virginie Despentes porte un regard sociologique sur la société, Franck Balandier plonge dans la matière organique de ces années sexe, drogue et pas forcément rock’n’roll. Il va chercher, creuser, fouiller au plus profond de l’humain. Benjamin, né contre son gré et contre celui de sa mère, Isabelle, batteuse dans un groupe…

Vernon Subutex 3, par Virginie Despentes, éditions Grasset
CRITIQUE , ROMAN / 17 juillet 2017

Qu’avons-nous fait de nos rêves de vingt ans? Qu’en reste-t-il lorsque arrive la cinquantaine? C’est, en substance, les questions auxquelles répond Virginie Despentes avec la trilogie Vernon Subutex. Dans le premier tome, l’auteure jetait un regard acéré sur les années quatre-vingt. Vernon Subutex, disquaire en vogue, doit fermer sa boutique, crise du disque oblige. Il fait le tour de ses connaissances pour savoir qui peut l’héberger. Le deuxième volume nous livre un Subutex SDF, devenu une sorte de gourou entouré d’une bande hétéroclite dont chacun des membres est notamment décrit au travers des musiques qu’il écoute. Pour le troisième et dernier volet, Virginie Despentes donne le ton dès l’exergue en citant la chanson Lazarus de David Bowie. Si le roman est l’occasion de rendre hommage aux grands disparus de l’année 2016, Bowie, Prince et Lemmy, du groupe Motörhead, il est aussi l’occasion de mettre une croix sur bien des espoirs nés dans les eighties. L’amour, la fraternité, que Subutex va pourtant faire renaître lors des convergences, rendez-vous musicaux sauvages et déconnectés, mais aussi la politique, celle de la gauche en particulier. Le regard de Virginie Despentes sur l’état du monde est lucide et sans concession: homophobie et racisme décomplexés, peur…

Louis Calaferte mis en voix par Virginie Despentes
ACTUALITE / 28 janvier 2017

Ouverture du Festival Antigel hier soir à la Salle centrale Madeleine avec ce qui était annoncé comme une lecture musicale. Mais il ne s’agissait pas réellement d’une lecture, je parlerais plutôt d’une mise en voix du Requiem des innocents, de Louis Calafarte, par Virginie Despentes accompagnée par le groupe Zëro. Le texte de Calaferte, publié en 1952, a profondément marqué l’auteure de Vernon Subutex qui le restitue dans sa dureté et sa dimension révoltée. On regrettera une qualité de son pas tout à fait à la hauteur de la scansion hypnotique de Virginie Despentes. Pas de mise en scène, tout se passe au niveau du corps de la récitante, littéralement habitée par le texte qu’elle connaît quasiment par cœur. La gestuelle des mains, les balancements d’une jambe sur l’autre, d’avant en arrière, les regards en disent davantage que tous les artifices qu’aurait pu imaginer un metteur en scène. La diction est particulière, fait vivre les dernières syllabes longuement pour se marier au plus près à la musique subtile de Zëro. Pas de respiration dans ces 70 minutes de performance. Le texte vous prend et ne vous lâche plus, vous habite pour longtemps. Parce que finalement, la vraie star hier soir,…