Chien, par Samuel Benchetrit, éditions Grasset
CRITIQUE , ROMAN / 28 août 2018

Il s’appelle Jacques Blanchot, est marié et père de Victor. Enfin père, rien n’est moins sûr. Sa femme souffre d’une étrange maladie: sa peau la brûle, elle perd ses cheveux et ses ongles jaunissent. Le docteur Zenger, un spécialiste, est parvenu à déterminer la cause de cette pathologie. Et la cause, c’est Jacques. La maladie s’appelle d’ailleurs la blanchoite aiguë. Jacques doit partir. Il s’installe à l’hôtel, après avoir acheté un chiot ainsi que tous les accessoires nécessaires au confort de son nouveau compagnon. Nouveau compagnon qui est écrasé par un bus dès la sortie de l’animalerie. A l’hôtel, Jacques se surprend très vite à dormir dans la niche en mousse du chiot trop tôt disparu. L’hôtel coûte cher et Jacques n’a déjà plus les moyens de payer. Il perd le jour-même le modeste emploi qu’il occupait dans un magasin de fournitures pour les beaux-arts. Dès lors, la métamorphose de Jacques s’accélère. Il devient un chien. Un chien moche, mais un chien quand même. Il est recueilli et adopté par le propriétaire de l’animalerie dans laquelle il avait acheté son chiot. Aux frontières de l’absurde, et avec un cynisme jamais tout à fait noir, Samuel Benchetrit jette sur la société…

Je suis mort un soir d’été, par Silvia Härri, Bernard Campiche éditeur, coup de cœur lettres frontière 2017
CRITIQUE , PRIX LITTERAIRES , ROMAN / 31 octobre 2017

Une petite fille qui ne joue plus à la balle, qui ne court plus, qui vous regarde un jour comme un étranger et qui finit par perdre la parole. La faute à la pieuvre qui s’est emparée de Margherita. Dès lors, privé de sa sœur, Pietro Cerretani apprend à jouer seul, à ne plus attendre le baiser du soir de son père. Un père qui n’affrontera jamais la pieuvre, ne l’assumera pas. Une mère qui se bat pour garder, puis pour ramener Margherita à la maison. Le couple des parents n’y résistera pas. Margherita est le secret de Pietro. On ne parle pas de ces choses-là! Pour tout le monde, Pietro est fils unique: «J‘ai 25 ans, je suis fils unique et qu’on ne vienne pas m’emmerder avec des questions indiscrètes sur ma famille.» Pourtant, lorsque Pietro noue des liaisons amoureuses, vient forcément le temps de parler de la famille, de la présenter. Que d’échecs provoqués par l’incompréhension de cette non rencontre, pour celles qui ne se sentent pas dignes d’être présentées… Pietro va marcher sur les traces de son père dont il condamne pourtant la lâcheté. Il quitte sa Toscane natale pour Genève: «Un matin, je suis descendu acheter…

Le cri du diable, par Damien Murith, éditions L’âge d’homme
CRITIQUE , ROMAN / 15 août 2017

[RENTREE AUTOMNE 2017] Damien Murith a fait une entrée en littérature très remarquée en 2013 avec La lune assassinée, premier roman d’une trilogie qui s’achève avec Le cri du diable. On retrouve toute la force de l’auteur, cette écriture près de l’os, qui nous avait tant séduit dans le premier roman et qui s’était un peu diluée avec Les mille veuves. Ici, pas un mot de trop pour dire le village, l’homme malade et peut-être contagieux qui finit par mourir. Camille, sa veuve, est convoitée. Et lorsqu’elle demande de l’aide pour mettre au monde le veau, celui qui vient aider la vache à mettre bas met aussi ses mains sous la jupe de Camille et la langue dans sa bouche. Pour se défendre, Camille s’aide de la fourche, et tue. Pour échapper à la vengeance, elle prend le train pour la ville, où une autre vie l’attend. Une autre vie où les hommes ne changent pas, fussent-ils peintres. Damien Murith travaille sa phrase jusqu’à l’épure. Le texte évoque plus qu’il ne décrit. Il n’en est que plus fort, plantant les crocs de la littérature dans le cœur du lecteur. Des personnages en ombres plus qu’en lumière, des destins contrariés, des…