Fake News lémaniques, par Antoine Exchaquet, Tcho Berthe éditions

Quand ton ancien patron publie un roman pamphlétaire consacré à ton milieu professionnel, forcément, tu te jettes dessus. J’y suis donc allé de mes 27,50 francs suisses. Le roman d’Antoine Exchaquet nous narre les tribulations d’une journaliste pigiste, «libre» comme on dit dans le métier. Liberté toute relative, les temps sont durs. La plume d’Antoine Exchaquet est vive, parfois mordante. L’auteur passe au crible de la «newsroom» (comme on dit en bon français) l’actualité très récente, de la présence de Donald Trump à Davos à l’initiative No Billag, en passant, c’est le centre du propos, par les restructurations qui frappent les titres de la presse romande et suisse. Si on rit beaucoup en lisant les pages d’Antoine Exchaquet, les journalistes qui prendront la peine de les lire riront plutôt jaune. Car leur métier (notre métier) est en péril, voire en voie de disparition. Si le regard est critique, il n’est jamais amer, ni désabusé, encore moins cynique. Fake News lémaniques démontre que le journalisme, à l’instar de nombreux autres métiers, est en pleine mutation. Que les journalistes ont beaucoup de peine à prendre le recul nécessaire pour analyser leur propre situation. Qu’il n’y a (presque) plus d’éditeurs romands. Pollués par…

Le silence même n’est plus à toi, par Asli Erdogan, Editions Actes Sud
CHRONIQUES , CRITIQUE / 23 janvier 2017

«La liberté est un mot qui refuse de se taire.» C’est cette liberté qu’Asli Erdogan défend, pied à pied, dans Le silence même n’est plus à toi, recueil de ses chroniques publiées dans Özgür Gündem, journal pro-kurde, et qui lui ont valu d’être emprisonnée en août 2016. Le titre de la chronique donnant son nom au recueil est emprunté à un poème du Gymnopédie de Georges Séféris, poème qui commence ainsi: «A l’heure où les dés heuretent le sol, à l’heure où le glaive heurte l’armure, à l’heure où rencontrant ceux de l’étranger, les yeux des âmes expirantes s’emplissent d’amour… A l’heure où regardant alentour, tu ne vois que pieds arrachés, mains mortes, et ces yeux qui s’éteignent… A l’heure où désormais même mourir t’es refusé…» Ces quelques vers donnent la mesure de ce qui se dégage de ce recueil. Un sentiment de dépossession totale, de nuit tombée sur le monde et sur les hommes, de goût de cendre dans la bouche, de pluie incessante. Que reste-t-il à l’auteure, à la journaliste? Les mots bien sûrs, «l’écrasante pesanteur de vivre et d’écrire en ces jours où les hommes – dont des blessés, des enfants – sont brûlés vifs dans les…