«La liberté est un mot qui refuse de se taire.» C’est cette liberté qu’Asli Erdogan défend, pied à pied, dans Le silence même n’est plus à toi, recueil de ses chroniques publiées dans Özgür Gündem, journal pro-kurde, et qui lui ont valu d’être emprisonnée en août 2016. Le titre de la chronique donnant son nom au recueil est emprunté à un poème du Gymnopédie de Georges Séféris, poème qui commence ainsi: «A l’heure où les dés heuretent le sol, à l’heure où le glaive heurte l’armure, à l’heure où rencontrant ceux de l’étranger, les yeux des âmes expirantes s’emplissent d’amour… A l’heure où regardant alentour, tu ne vois que pieds arrachés, mains mortes, et ces yeux qui s’éteignent… A l’heure où désormais même mourir t’es refusé…» Ces quelques vers donnent la mesure de ce qui se dégage de ce recueil. Un sentiment de dépossession totale, de nuit tombée sur le monde et sur les hommes, de goût de cendre dans la bouche, de pluie incessante. Que reste-t-il à l’auteure, à la journaliste? Les mots bien sûrs, «l’écrasante pesanteur de vivre et d’écrire en ces jours où les hommes – dont des blessés, des enfants – sont brûlés vifs dans les…