Les contes défaits, par Oscar Lalo, éditions Belfond

24 septembre 2017

Comment parler de ce livre sans l’abîmer, sans le trahir, sans être décalé? Pour son premier roman, Oscar Lalo saisit à pleines mains l’un des sujets les plus complexes, les plus sensibles qui soient. Comment dire l’indicible? A soixante-cinq ans, son personnage raconte enfin ce qui lui est arrivé dans ce home d’enfants dans lequel il a passé toutes ses vacances scolaires. Vacances parfaites aux yeux des parents rassurés par le dépliant publicitaire, avec son jus d’orange, ses croissants et son gentil chien. Vacances de l’horreur pour les enfants, dès la montée dans le train, puis au home, entre une directrice dictatoriale et son mari, l’homme d’enfants, l’abuseur, celui qui ne sera plus leur ami s’ils parlent. Pourtant, le narrateur avouera son adoration de ce lieu où on lui a volé son enfance et, partant, tout le reste de sa vie. Parce que lorsqu’on a deux ans et demi, puis quelques années de plus, on est persuadé que tout est notre faute, qu’on est entièrement responsable de ce qui nous arrive. Toute une vie foutue en l’air, à briser les élans de ceux qui vous aiment, à ne jamais rester inoccupé, de peur de penser. Même la méditation se limite à la fermeture des paupières. Impossible pour le narrateur de mettre des mots sur ce passé pourtant lointain: «Et à force de ne pas s’en servir, les mots mourraient.» Les mots d’Oscar Lalo sont eux bien vivants. Ils disent avec une infinie pudeur, un sommet de tact et une salutaire précision ce qu’il est aussi difficile à entendre qu’à dire.

Résilience. Le mot apparaît, avec sa définition, dans les dernières pages du roman. Et c’est bien de ça dont il s’agit. Mais aussi d’une œuvre littéraire majuscule.

«Le tact dans l’audace, c’est de savoir jusqu’où on peut aller trop loin» disait Jean Cocteau. Le superbe roman d’Oscar Lalo tient tout entier dans cette citation.

Les contes défaits, par Oscar Lalo, éditions Belfond, 2016, 217 pages.

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